Le Fofo s’était étalé à sa place favorite, sous la cuisinière. Par moments, son corps était secoué de spasmes… « R’garde ! dit ma sœur Le Sotré est entré dans notre pauv’ Fofo ». Un nouveau tressaillement le secoua. J’vois. « Faut que l’Sotré décarre ! ». Comment ? Ma sœur prit un morceau de bûche et le posa sur la cuisinière. Elle approcha une chaise, s’empara du grand tisonnier et grimpa. Qu’est-ce te fais ? m’inquiétai-je. Ses yeux pétillaient. Pour un peu, je croirais que le Sotré s’était introduit dans son corps : « Faut r’mettre le Sotré dans l’feu ! ». Ma sœur fit ce que notre maman faisait chaque matin. Le grand tisonnier dépeçait le dessus de la cuisinière. Le bout pointu souleva le couvercle rond. Voulant le déposer sur le côté… Le couvercle frôla ma tête, atterrit tapageusement sur le carrelage et réveilla en sursaut le Fofo. Ça, elle n’avait pas le métier de notre maman. Non sans mal, les trois couronnes en fer furent soulevées.
Bientôt, les flammes dansèrent. Ma sœur saisit le morceau de bûche, le plongea dans le trou. Léché par les flammes, le morceau ne tarda pas à s’enflammer. Nous criâmes victoire. Au pied de la cuisinière, j’applaudissais frénétiquement. Craignant un nouvel objet volant, le Fofo se tenait debout derrière moi, prêt à décamper. Le tison fumant à la main, ma sœur dégringola de la chaise. Courut en hurlant : « Sors d’là, vinrats de Sotré. Laisse tranquille not’ Fofo ! ».
Pris de panique, le Sotré s’élança à travers la cuisine. Le buffet cogna son museau. Vite sous la table. Peine perdue, nous le rattrapâmes. Le Sotré détala, bouscula le balai qui traînait. La porte de la chambre était fermée. Celle de l’escalier pareil. Le Sotré était pris au piège. Hopla, le placard. Le Sotré racla dans l’entrebâillement. Peine perdue. Nous ouvrîmes la porte en grand. Le tison fumant s’agita devant ses yeux globuleux. D’un bond, le Sotré culbuta ma sœur. Mais, j’étais là. Je me jetai dessus, le plaquai au sol. Coincé contre le carrelage, le Sotré peinait à respirer. Ma sœur accourut, leva le tison au-dessus de sa tête. C’en était fini du Sotré…