Un peu plus bas, un cheval et sa remorque remontaient la rue. A leur côté, deux hommes. L’attelage s’arrêta devant la maison de madame Kélère. En le rattrapant, un des hommes tapa sur la ridelle de la remorque. L’attelage redémarra pour s’arrêter devant la maison de madame Zeitung. Les hommes rattrapèrent l’attelage, l’un d’eux tapa sur la ridelle. L’attelage redémarra et s’arrêta devant la maison de notre voisine. Tout en discutant, les deux hommes rattrapèrent l’attelage. En passant, l’homme, toujours le même, tapa sur la ridelle. Aussitôt, le cheval se remit en route. Sans qu’on le lui ordonne, il s’arrêta devant chez nous. Les deux hommes arrivaient à notre hauteur…
- Alôre le Zidôre (railla la tante Agathe) Vous avez perdu la boule ? On n’est pas mardi, ni vendredi.
- J’sais Demoiselle Agathe.
- Bâ, alôre, vous vous ennuyez ? Vous avez besoin d’exercice ?
Nous avions l’habitude de voir le Zidôre, son cheval et sa remorque passer deux fois par semaine. D’habitude, nous les voyions depuis notre fenêtre. Le Zidôre était un petit gros d’une soixantaine d’année. Une moustache bien fournie, il avait un air timide, réservé. L’autre homme n’était autre que le père Galate, le menuisier installé un peu plus bas. Coiffé de son éternelle casquette bleu foncé à courte visière. Une casquette bien semblable à celles des mariniers. Il racontait qu’il la gardait même lorsqu’il était à table.
- L’Mâre m’a réquisitionné pour déblayer la neiche d’vant la Mârie…
Tout le monde éclata de rire. Notre maman s’esclaffa :
- Monsieur Zidôre, la Mairie vous l’avez passée. C’est d’ousque vous v’nez.
Le pauvre Zidôre affichait, il faut bien le dire, une mine consternée.
- L’est beûlou, l’Zidôre (rajouta le père Galate qui connaissait le fin mot de l’histoire puisque le Zidôre venait de lui raconter en montant) L’a pas vu la Mairie…
- J’sais Oda. J’sais.
- Bâ, alôre ?
- Bâ, alôre ! La manre bête a pas voulu traverser…