Deux jours plus tard, le Claudi venait nous ravitailler. Après les embrassades rituelles :
- Alors, plus d’feu de ch’minée ? J’ai appris ça hier matin.
- Tu parles ! Qu’est-ce j’ai eu peur, surtout avec les Mioches. Le Milou a grimpé vite fait sur le toit, crois-moi.
- C’est le Sotré qu’a mis l’feu (dit ma sœur sur un ton solennel) La môman a cassé toutes les toiles d’araignées.
- Oda ! (s’exclama le Claudi) Pourquoi t’as fait ça ? (Et notre maman et le Claudi s’esclaffèrent) Et maintenant, il s’est caché dans ta cave (rigola de plus belle le Claudi).
Il ne fallait surtout pas dire cela à ma sœur. Aussitôt, elle décida d’accompagner le Claudi lorsqu’il déchargerait le charbon. Ma sœur remonta bredouille. Comme si le Sotré allait l’attendre dans la cave, elle rêvait. D’après ses dires, notre cave faisait encore plus peur que celle de la mère Kélère. J’avais rudement bien fait de rester sur le trottoir malgré ce froid de canard.
Lorsqu’il remonta chez nous, le Claudi dit :
- T’sauras Oda, j’ai rechargé le fourneau d’la tante Agathe.
- Oh, la vache ! J’avais encore oublié (cria presque notre maman) T’vois comme je suis, j’ai pas de tête. Les soirs, c’est le Milou qui s’en charge. Il remonte le charbon de la cave.
- Merci. Heureusement que ta tête est solidement accroché, sinon y’a longtemps que tu l’aurais perdu (rigola le Claudi en sirotant le café que notre maman venait de lui servir) J’t’ai mis cinq sacs de houille et deux de briquettes. Comme j’avais dit au Milou, j’ai rajouté deux de boulets.
- Ton patron va rien dire ?
- Penses-tu, i verra qu’du feu (rigola-t-il).
- Hé Claudi ! (coupa ma sœur) T’sais le capitaine des pompiers, i croyait qu’c’était le Graouly. I s’est gouré, nème Claudi ?
Le Claudi pinça ses lèvres et afficha une bouille que je ne saurai décrire. Ça lui donnait une figure mi-sérieuse, mi-moqueuse. Il finit par approuver :
- Alors là, Mikète, j’te donne raison. C’est l’Sotré qu’a mis le feu l’autr’ jour.
Ma sœur en fut fort aise, elle poursuivit :
- Môman ! T’sais qui c’est le Peût’ôme ?
- Et qui c’est donc’ ? Dis voir…
- C’est l’Claudi (s’esclaffa-t-elle) L’aut’ fois i voulait nous mettre dans un sac.
Le Claudi raconta la fin de la visite de la cave de la mère Kélère en précisant bien que cette idée de nous mettre dans un sac ne venait pas de lui, mais du Fanfan et de la Mélie.
- Faut j’aille. M’reste Amelécourt, Puttigny, Hampont… C’est qu’la journée est point finie. T’inquiètes la Mikète, si j’vois l’Sotré là-haut, j’le remets dans l’feu !