A l’hôpital

(La Descente // Le Vélo)

 
 
 

La maison de la Mélie et de Igor était marrante. Une maison toute étroite, encore plus étroite que ses voisines. Elle n’avait qu’une pièce par étage. Enfin une qui donnait sur la rue et une autre qui donnait sur la cour. Toute étroite et bien haute. Avec ses trois étages, c’était même la plus haute de la rue si l’on faisait abstraction de la côte et de la Sous-préfecture. Igor était son second mari. Le premier, père de ses deux filles et de son défunt fils, était décédé à la guerre, là-haut sur le front russe, en 1915. La Mélie s’était remariée avec Igor en 1923.

 

Autrefois, la Mélie était couturière. Elle travaillait chez elle pour le compte de Monsieur Goupil. Et la guerre était arrivée. Au retour d’exil, la Mélie criait sur tous les toits qu’elle avait jeté sa machine à coudre à la ferraille. Que maintenant, elle « prenait sa retraite ». Comme d’habitude, la Mélie exagérait. Sa machine à coudre avait disparut lors de son exil en Dordogne « Un vinrats d’Boche m’la voler » tonnait-elle de temps en temps.
Elle s’était rachetée une machine à coudre à Nancy. Une Singer toute moderne. Mais l’atelier de Monsieur Goupil avait bien régressé. Monsieur Goupil avait juste de quoi s’occuper. Oh ! Il n’était pas à plaindre. Lui-même ne s’en plaignait guère. Mais le fait était là : « Les gens préfèrent le prêt à porter confectionné dans les usines ». Alors, à l’occasion, la Mélie cousait pour l’une ou l’autre, histoire de faire un petit bonus à sa retraite.

 

- B’jour Oda. B’jour les Mioches. Comment qu’c’est le père Goupil ? (La Mélie sortait de chez elle).
- T’vâs pas en Suisse aujourd’hui ? (lui demanda la gamine).
- Vinrats d’vinrats, la Suisse ! (s’esclaffa la Mélie et elle rit de plus belle) J’vâs jamais en Suisse le jeudi passque j’vâs au marché. Ni le dimanche passque j’vâs à la messe.
Les autres jours, la Mélie ne manquait jamais de rendre visite à ses parents et à son fils mort à l’âge de cinq ans.
- Alors comme ça, le Fanfan s’est fait renversé par une voiture (avança l’Oda).
- Dans le virage ousqu’i a le Jano. Vinrats d’vinrats. Et le passager a profité que le Fanfan était par terre pour lui voler son biclou.
- C’est pas vrai ! Et le Fanfan ?
- Bâ, j’sais p’us qui, mais on m’a dit qu’il était à l’hôpital.
- Vous devez vous trompez, Mélie (la coupa Monsieur Goupil) Je n’ai point entendu parler de cela.
- Vinrats ! Bâ moi, j’te dis que la voiture a foutu l’Fanfan en l’air, que le passager a volé le vélo et que l’Fanfan est à l’hôpital. I m’crois pas ! (grogna la Mélie en voyant Monsieur Goupil soulever les épaules et faire non de la tête).
- C’est grave ? (s’inquiéta l’Oda).
- Sais pas. Faut reconnaître qu’il roule n’importe comment, le Fanfan. Vinrats ! C’est souvent qu’il est au milieu de la route. Les voitures doivent faire un crochet pour l’éviter. C’est pas vrai ?
- Souvent… Souvent… (admit l’Oda) Il se fait klaxonner.
- Vinrats ! Ça devait bien arriver un jour. Se faire voler son vélo. J’en reviens pas. Vinrats d’vinrats ! En plein jour, quand même.
En fin de compte, la Mélie n’en connaissait guère plus. Ce qui la préoccupait, c’était ce qu’il pouvait lui arriver, à elle. Lorsqu’elle allait au cimetière, au marché, faire des courses un peu longues ou même simplement chercher son pain chez la Dédée, elle partait en laissant sa maison ouverte. Un individu pouvait très bien s’y introduire et lui voler ses biens.
- Maintenant, je fermerai ma porte à clé. Quelle époque ! Z’avez vu l’Bernard ?

 

Monsieur Goupil acquiesça, l’Oda rajouta :
- Avec ses valises, il part en vacances.
- Vinrats d’vinrats ! (La Mélie éclata de rire) T’y es pas du tout. L’aut’ soir, la Marie lui a fait une pipe…
- Mélie (implora Monsieur Goupil en désignant des yeux les Mioches).
- Une pipe ?
- Bâ oui Oda, elle lui a sucé la bitte, vinrats !
- J’avais compris…
- Mélie (réitéra Monsieur Goupil toujours en désignant des yeux les Mioches).
La Mélie n’en tint aucun compte, elle poursuivit son histoire. Donc, l’autre soir, la Marie avait fait une pipe au Bernard. Dans le feu de l’action, elle avait mordu son sexe jusqu’au sang.
- Vinrats ! T’imagines le Bernard arrivant à l’hôpital avec sa bitte emballée dans un torchon.
- Il a été à l’hôpital ? (demanda l’Oda).
- Son gland pendait…
- Oh, Mélie, vous faîtes du méchant temps (avança Monsieur Goupil).
- Vinrats d’vinrats ! J’te jure, c’est de la pure vérité. Bon, j’vâs descendre au marché. Te viens l’Oda ? Et oublies pas tes Mioches.
Sur ces bons mots, la Mélie décréta le départ. Ils dépassèrent la maison Peution qui au début de la guerre servait d’abri lors des bombardements.

 
 
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A suivre

Il est mort ?

(La Descente // Le Vélo)

Un coup du Sotré

 

Le Sotré
C’est la fête
Le Vélo :
* La Descente :
Vélo tout neuf
Le vélo du Fanfan
Ecrabouillé
Devant chez le Jano
~ A l’hôpital
~ Il est mort ?
~ Ressuscité
* Le Marché
* La Bûche

La Gazette des Fiawesmai 1954

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

En savoir plus sur les personnages :
La Mikète 5 ans, le Dabo 2 ans 1/2, le Fofo 12 ans, l'Oda leur maman 28 ans, le Milou leur papa 28 ans,

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Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 06/05/2024

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