Et puis, un jour, la Sotrée commença à avoir mal partout. Le sol où elle couchait devenait vraiment trop dur. La Magdaleina ramassa des brassées de grandes herbes et lui confectionna un douillet matelas. La Sotrée appréciait toutes ces prévenances, mais sa santé ne s’améliora pas pour autant. De plus, elle restait toute la journée au lit. Ses compères commençaient à l’ignorer. Si ce n’était la Magdaleina, la Sotrée n’aurait plus eu à manger. La jeune femelle devait se battre pour obtenir ne serait-ce qu’un bout de viande. Elle ne gagnait pas souvent. Avec la fourrure d’un renard, la Magdaleina confectionna un sac qu’elle cousit à l’aide d’une aiguille en os et du fil fait avec des boyaux. En fait, comme on confectionnait maintenant les habits en peau de bête. Son sac sur l’épaule, elle partit plusieurs heures à travers les bois et les marécages. Le Grilou faillit même l’attraper. Elle rentra, le sac rempli d’herbes et de baies. La Sotrée l’aida à identifier celles qu’elle connaissait et la Magdaleina lui mijota des décoctions.
Certains jours, la Sotrée allait mieux. D’autres, la vieille femelle était au plus mal. Deux fois, la mort la frôla. C’est alors que la Magdaleina expérimenta ses potions magiques sur ses congénères valides. Il y eut des essais malheureux, deux mâles, une femelle et un petit moururent dans d’atroces douleurs. Puis, une femelle resta paralysée et un mâle devint fou. La Magdaleina avait bonne mémoire, heureusement. Elle se rappelait les effets que provoquaient ses potions. Sans même s’en rendre compte, la Magdaleina, qui était toute frêle, inspirait la crainte. Mêmes les mâles les plus costauds n’osaient plus la contrarier. Certains racontaient que la Magdaleina se rendait invisible et leur faisait boire, pendant leur sommeil, un breuvage qui les rendait malade. On disait même qu’elle avait domestiqué le Grilou, puisqu’elle seule parcourait les marécages sans se faire dévorer. Elle ne se faisait pas non plus engloutir là où la terre n’était qu’apparence.
On prétendait que la Sotrée, pourtant bien moribonde, la guidait. La Sotrée devenait une sorte d’esprit et la Magdaleina une sorte de sorcière. Désormais, on leur apporta le repas. Ainsi, on espérait être épargné. D’un autre côté, on prit l’habitude lorsqu’on se sentait patraque de consulter la Magdaleina. Grâce aux potions, le mal disparaissait… parfois.