Nous avions enfin compris ce que voulait nous montrer le Heurlin : « Le Peût’ôme est sous votre nez, cherchez mieux ». Oui, le Peût’ôme était sous notre nez. Il existait réellement. Pour notre papa et ses camarades, le Peût’ôme s’appelait Mièsse. Le lendemain, le Heurlin nous conforta dans notre conviction et déclara :
- Tant que les ouvriers n’auront éliminé, une bonne fois pour toutes, tous les Peût’ômes. Et vot’ papa n’est pas un con, c’est un homme bien. Son seul tord, c’est de ne pas s’être plus appuyé sur ses camarades. Vous verrez la prochaine fois, il réussira.
Bien des dizaines d’années plus tard, je m’étais assoupi sur mon fauteuil. Pourtant, il n’était pas très tard. Je fus réveillé par des aiguilles qui me transperçaient les cuisses et un effrayant cri. Le Chanoire était dressé, le dos arc-bouté. Il crachait, miaulait méchamment, me labourait les cuisses. J’en échappais mon livre : « Les Trois Mousquetaires ».
Un éclair zébra mon cerveau. Là ! Là, devant moi, dans la petite lucarne… Là ! Le Peût’ôme.
Le Chanoire l’avait reconnu. Il ne s’appelait plus Mièsse. Je n’ai pas bien retenu le nom : Bettencourt, Arnault, Peugeot, Dassault, Saputo, Dangote ou je ne sais… A ce que je compris, il annonçait des profits record pour cette année, malheureusement son groupe prévoyait de fermer trois usines… et de licencier en masse. Les actions du groupe venaient de s’envoler dans les bourses de la planète.
Le 9 octobre 2018