Comme chaque soir, bien trop tard au goût de notre maman, le camion du Mimil’ déposa notre papa. Cette fois, le Mimil’ ne nous adressa qu’un bref salut et tous les passagers descendirent. L’homme assis à la place passager de la cabine se pencha par la porte conducteur :
- Vous en faites pas, je règle tout ça samedi…
- T’as intérêt pass’que moi je descends au bureau. J’te préviens !
- T’énerves pas Milou, c’est mon rôle de chef d’équipe.
- Dis-lui aussi qu’il nous doit la prime de panier (renchérit Igor).
- S’il file rien, on descend tous samedi prochain au bureau ! (menaça le Mimil’ sur un ton agressif) Hein, Tonio ? Hein, Nano ? Hein, Dani ?
Tous approuvèrent. Le Nano, un peu moins enthousiaste que les autres. Et ça discutait, ça discutait…
- Une vraie pipelette. Pire que toi, hein môman ? (railla ma sœur).
Notre papa arriva bien remonté.
- Ça discutait dur (persifla notre maman) Même ta fille l’a remarqué.
Il venait de toucher sa première paye. Selon ses calculs, lui comme ses camarades travaillaient 50 heures par semaine. Or, le Mièsse ne leur en avait payé que 46. De plus, ils n’avaient pas de prime de panier.
- Soi-disant que c’est son camion qui nous transporte, ça ne nous coûte rien. Donc, ça compense nos frais de repas (C’est ce qu’avait rapporté le chef d’équipe. Il devait en reparler à la réunion en fin de semaine) On saura rien avant lundi matin vu qu’il habite un village.
Ce soir et pendant tout le repas, il ne fut pas question de culture. C’était comme si notre papa avait perdu ses légumes en route. Et vas-y qu’il rameûssait. Et le Mièsse allait voir de quel bois il se chauffait. Et le Mièsse avait intérêt à payer toutes les heures. « Faut pas m’prendre pour un con ! ». S’il le fallait, notre papa irait au syndicat. S’il le fallait…