Enfin, l’Oda se décida à clencher la porte. La petite sonnette annonça leur entrée. La bonne odeur de pain frais chatouilla les narines. Impossible de dire qui de la Mikète ou du Dabo arriva le premier. Toujours est-il qu’ils étaient agrippés au comptoir en bois, les yeux fichés dans l’un des bocaux en verre. La Dédée sortit de sa cuisine :
- Bonjour Oda. Ça va les Mioches ?
La Dédée posa la main sur le couvercle rouge. Le bocal qu’ils convoitaient allait s’ouvrir. Vite ! Cette célibataire convaincue, une grande maigre, était une copine de leur grand-mère. Depuis toute petite, l’Oda achetait son pain ici. De toute façon, c’était la boulangerie la plus proche. Elle était si à main avec la Dédée qu’elle n’hésitait pas, lorsque le magasin était fermé, à toquer à la porte du couloir.
- Et ça lui fait quel âge au Dabo ? (demanda la Dédée au lieu de dévisser ce vinrats de couvercle).
- Deux ans et demi. Et la Mikète en a eu cinq au début de l’année.
- Cinq ans ! T’es une grande maint’nant.
- J’en ai encore trouvé (fit l’Oda en sortant la boîte de son filet. La Dédée délaissa le couvercle du bocal pour ouvrir celui de la boîte. Une bonne odeur supplanta celle du pain. La Dédée déplia le papier, lâcha un « Pouah ») C’est çui que je t’ai acheté hier.
- Dommage qu’la pêche soit fermée. C’est ton Milou qu’aurait été content… Et pourtant leur Munstère est succulent.
- Ça, il est bon. Même très bon. Mais, y’a des asticots.
- Oui, les asticots (déplora la Dédée) Le représentant m’a dit que j’devrais acheter une vitrine réfrigérée. C’est cher. Et la tante Agathe, coment qu’c’est ?
- Elle a du mal à marcher. 87 ans. Quand même, c’est beau. Tu m’donneras un paquet de pâtes et un Melfor pour elle.
- Ah ! Faudrait pas devenir vieux (Comme d’habitude, l’Oda obtint un Munster en remplacement) On dira ce qu’on voudra, des Munstères qu’viennent pas d’la cave, sont pas des Munstères. Nème ! (Enfin, la Dédée ouvrit son satané bocal) Un réglisse, les Mioches ?
- Oui, Dédée. Merci, Dédée.