Fille mère

Le Verso (Ardennes)

Plus loin, de l’autre côté de l’arrivée de l’escalier, se trouvait la chambre d’une jeune femme. Elle nous fit un chaleureux bonsoir. Mais, voilà, elle était affairée à changer les couches de ses bébés, une fille et un garçon, des jumeaux.
Lydia était ce qu’on appelle une fille-mère. Son soi-disant amoureux l’avait plaquée dès qu’elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte. Elle avait envisagé avorter. Elle eut le malheur de s’en ouvrir à la famille. Tous lui étaient tombés sur le paletot, ses parents, ses grands-parents aussi bien paternels que maternels, même son frère aîné s’en était mêlé. C’est que dans la famille, l’avortement, c’était un meurtre. Dans la foulée, son père l’avait chassé de la maison en la traitant de « putain », de « traînée ». J’en passe et des meilleures, je devrais plutôt dire et des pires.
Elle passa une nuit dans la rue, l’âme en peine. Coup de chance, elle croisa Marion, une caissière au supermarché et déléguée du personnel. Marion l’entraina à son travail : on y cherchait des jeunes. Puis, Marion la brancha avec Dominique qui connaissait un hôtel bon marché puisqu’il couchait là quelques fois. Tous deux l’accompagnèrent à l’hôtel et avancèrent l’argent nécessaire à la location d’une chambre.

 

Dès son embauche, Lydia avait été affecté au drive. Comment dire ? Au lieu de perdre son temps à arpenter les rayons, à remplir son caddie, à perdre encore son temps à la caisse, certains clients faisaient leurs emplettes et les payaient sur internet. Il fixait une heure et venait à un endroit réservé, le drive. Là, une ou un employé lui remettait les marchandises commandées.
Le principe était simple, il aurait pu être agréable. Sauf que Lydia, comme ses autres camarades, se retrouvait avec six ou sept clients à satisfaire en même temps. C’était un véritable marathon, car le temps était compté et on ne lui remettait les listes d’achats qu’au dernier moment.
Elle tirait un petit chariot où étaient empilés des bacs. Chaque bac, parfois plus, représentait un client. Armé de son pistolet électronique, elle parcourait les rayons, sélectionnait l’article convoité, le plaçait dans le bac, changeait de client. Et il fallait recommencer au rayon suivant. Tout cela en surveillant l’horloge, car le client n’aimait pas patienter au drive. Rarement, elle avait de l’avance, plutôt le contraire. Dans sa course folle, il lui arrivait même de heurter des clients. Pas le temps de souffler, pas le temps de renseigner un client perdu qui cherchait un produit, elle devait foncer.
Le stress du travail, le stress de sa grossesse. On venait de lui apprendre qu’elle portait des jumeaux. Tout ce stress minait Lydia, la détruisait, si bien qu’un jour, elle décida d’en finir. Elle s’ouvrit les veines.

 

La voisine de Lydia était Catherine, une femme de 64 ans en retraite depuis six mois. Depuis cette époque, Catherine et son mari vivaient dans cet hôtel. Oh, ils n’étaient pas à plaindre, car s’ils avaient échoué là, c’était uniquement parce qu’ils venaient de vendre leur maison à Charleville pour s’en acheter une autre aux Sables-d’Olonne. C’est là-bas qu’ils passeraient leur retraite. Plus que six mois à attendre que Guy, son mari, soit « libéré ».
Donc, Catherine était en retraite, heureusement. Donc, Catherine passait ses journées à l’hôtel, heureusement. Ce fut elle qui découvrit Lydia et permit de la sauver. Dès lors, elle prit soin de la jeune femme, la soutenant, la réconfortant, lui redonnant le moral. Marion et Dominique la soutenaient du mieux qu’ils pouvaient.

 
 
 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

Voir le Dictionnaire des Mioches

Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 24/10/2023

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