La Sapinète

Sports d’hiver (C’est la fête)

 
 
 

Si on appelait la Sapinète ainsi, c’est parce que le sommet du coteau était planté de sapins. Tu t’en doutais, je pense. C’était une bonne côte et la plus proche de chez nous. Une bien belle descente, à moitié sur un terrain ouvert, à moitié sur une pâture. Evidemment, évidemment, en cette saison bœufs et vaches étaient à l’étable. Cette pâture était plus pentue, plus rapide que la partie dite ouverte. Les amateurs de glisse se la donnaient et dévalaient la pente à une de ces vitesses, moôn !
Le problème c’est que cette fabuleuse descente n’était pas sans danger. Mais non, le danger ne venait pas de la voie ferrée, suivie du canal puis de notre Petite Rivière. Certes, avant la voie ferrée, la descente était abrupte, presque à la verticale. Mais, une bande plate d’une vingtaine de mètres de large permettait de s’arrêter bien avant le « précipice ». Alors le danger venait-il de la route qui empruntait cette bande plate ? Tu n’y es pas ! Cette route était peu fréquentée. Oui, oui, il aurait suffi d’un véhicule. Tiens, un de ces camions bleus chargé de gros bidons, un de ceux qui faisaient le tour des fermes pour ramasser le lait. Ou un de ces autres camions qui partaient livrer les produits de la laiterie…
Cette pâture, qui tombait juste avant la route était fermée par trois rangées de fil de fer barbelés. Bien souvent l’équipage se penchait d’un côté ou de l’autre, ainsi il renversait le traîneau et stoppait net. Celui qui ne savait pas s’arrêter ou qui l’oubliait… Amateurs de sensations fortes et de vitesse, en avant ! Dès le repas avalé, tirant leurs traîneaux, nos parents, la tatâ Nénète et le nonôn Popaul s’en allèrent là-haut, au-delà de la gare, juste après l’Ecole d’Agriculture. Ils n’en reviendraient qu’à la tombée de la nuit.

 

Pendant ce temps, nous faisions du traîneau dans la cour de la Sous-préfecture. A tour de rôle évidemment puisque nous n’avions qu’un seul traîneau. Les deux autres étant réquisitionnés par nos parents. Les aînés de nos cousins s’attelaient à la corde. En avant pour un tour de cette cour relativement vaste, mais désespérément plate.
Lorsque les aînés de nos cousins en avaient marre, ils déclenchaient une faramineuse bataille de boules de neige. Le Dédé prenait les choses en main pour faire un bonhomme de neige. Il récupérait les accessoires auprès de notre mémère : deux morceaux de houille pour les yeux, une carotte pour le nez, un cache-nez, le chapeau de paille de notre pépère, un balai en paille de riz. Et le tour était joué. Ne restait plus que la neige à rouler pour faire le corps, la tête et les bras. Nous remontions chez nos grands-parents complètement frigorifiés. Ah oui, par « traîneau » traduit « luge ».

 

Dès que nous entendîmes le roulement de la porte coulissante, nous nous précipitâmes :
- Môman ! Pâpa !
N’allons pas si vite en besogne, nous étions les derniers à accueillir les parents. Malgré ses petites pattes, la Mahon était en tête du peloton. La queue dressée à la verticale, elle lançait de joyeux « Maooôn ! Maooôn ! ». Plus âgées et équipées de plus grandes pattes que nous, nos cousines nous devançaient largement. Quant à nos cousins à l’âge de l’adolescence, ils ne daignaient même pas se déplacer.
Presque aux pieds de nos parents, une bourrasque nous bouscula :
- Alôre Popaul, et le Tintin ?
L’événement avait eu lieu dans l'après-midi et toute la ville en était informée.
- J’en sais pas plus que vous, belle-maman. On les a emmenés à l’hôpital. Le Tintin était salement amoché...
- J’ai pas été voir (fit la tâta Nénète en prenant une mine de dégout).
- Moi, non plus (approuva notre maman).
Elle se précipita vers le radiateur. Ah ! si elle avait pu imiter la Mahon. La chatte était déjà juchée sur la planche fixée au-dessus du radiateur et jouissait pleinement de la chaleur.
- Vous me ferez mourir.
Nos parents s’ingénièrent à la rassurer :
- On glisse plusse loin, on risque rien. Sur le chemin… Dans la pâture, y’a trop de monde.
Pour ne rien arranger, le Tintin s’était levé bien tôt. Il avait effectué de nombreux dépannages toute la matinée. Si bien que lorsqu’il arriva à la Sapinète, il paraissait bien fatigué. Malgré tout, il avait voulu faire quelques descentes. Les premières s’étaient bien passées.
- Vous me ferez mourir... S’arranger de la sorte... Un œil crevé...
- Bien abimé, belle-maman (la reprit le nônon Popaul) On en sait pas plus pour l'instant. La Marthe a été…
- Oh oui (se souvint brusquement la mémère) Alors ?
La Marthe était blessée aux jambes. Seulement égratignée par les barbelés ? Personne n’avait eu de nouvelles de l’hôpital.
- Vous me ferez mourir...

 

- On mange chez la mémère ! (décréta le Dédé).
- On rentre chez nous ! (gronda le nônon Popaul) Vous reviendrez demain. Nous, on ira à la Sapinète, hein Oda ? ( rigola-t-il).
- Vous me ferez mourir...
- On mange chez la mémère ! J’ veux des knépes ! La môman fait jamais les knépes...
C’était prévu depuis ce midi. Notre maman monterait la soupe et du fromage à la tante Agathe et redescendrait pour manger. Des knèpes ? Notre maman éructa un bruit notifiant son dégoût.
- Il reste des rôties ! (grogna la mémère. Puis, sur le ton de la supplique) Laissez donc’ les gamins, Popaul. Si vous allez encore à la Sapinète demain, vous n'aurez pas besoin de les ramener.
- Ça change rien, nous amènerons les p’tites...
- On mange chez la mémère ! Nème, pépère, on mange chez vous ?
- Arrange-toi avec ton père (esquiva le grand-père en bon diplomate).
Ma sœur passerait la nuit chez la mémère. Elle approuva bruyamment l’idée du Dédé.
- Bon... Bon... Si tout le monde est contre moi… (concéda le nônon Popaul). Oda ! Milou ! Prêts pour demain ? Mais, qu'est-ce t’mamayes sur ton radiateur ?
- Depuis toute petite... Elle me faisait damner pour aller jouer dans la neige et, après, elle braillait qu'elle avait froid.
- C'est vrai ! (approuva la tâta Nénète).
- Tu as rangé les traîneaux ?
- Oui, Papâ ! On les a rangés au grenier en arrivant.

 

Le lendemain, les grands axes étaient dégagés et les camions purent ravitailler les commerces. Le Tintin fut transféré à l’Hôpital Central de Nancy. On devait l’opérer de l’œil dans la journée. Quand à la Marthe, elle s’en sortait avec une belle frayeur et d’aussi belles égratignures aux jambes. Elle avait réintégré sa maison. A la Sapinète, les descentes en traîneaux battirent leur plein durant plus d’une semaine. Le tapis blanc étant alimenté de temps en temps par quelques chutes de neige. Mis à part quelques bosses et bleus, il n’y eu pas d’autre accident.
Et puis, le vent du Sud mangea la neige. Tout revint à la normale ou presque…

 
 
Flech cyrarr

A suivre

Vous allez voir…

(La Voix de son Maître // C’est la fête)

Bizarre construction, étrange dialogue...

 

Le Sotré
Purification
La Noël
La Prothèse
Sports d’hiver :
Haretard
La lettre
Glissades
~ La Sapinète
La Voix de son Maître
L’apéro
C’est l’été

La Gazette des Fiawes lundi 8 février 1954

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

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Ma sœur 5 ans, j'ai plus de 2 ans, le Fofo 11 ans, notre maman 27 ans 1/2, notre papa 27 ans 1/2,

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Date de dernière mise à jour : 08/04/2024

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