Si on appelait la Sapinète ainsi, c’est parce que le sommet du coteau était planté de sapins. Tu t’en doutais, je pense. C’était une bonne côte et la plus proche de chez nous. Une bien belle descente, à moitié sur un terrain ouvert, à moitié sur une pâture. Evidemment, évidemment, en cette saison bœufs et vaches étaient à l’étable. Cette pâture était plus pentue, plus rapide que la partie dite ouverte. Les amateurs de glisse se la donnaient et dévalaient la pente à une de ces vitesses, moôn !
Le problème c’est que cette fabuleuse descente n’était pas sans danger. Mais non, le danger ne venait pas de la voie ferrée, suivie du canal puis de notre Petite Rivière. Certes, avant la voie ferrée, la descente était abrupte, presque à la verticale. Mais, une bande plate d’une vingtaine de mètres de large permettait de s’arrêter bien avant le « précipice ». Alors le danger venait-il de la route qui empruntait cette bande plate ? Tu n’y es pas ! Cette route était peu fréquentée. Oui, oui, il aurait suffi d’un véhicule. Tiens, un de ces camions bleus chargé de gros bidons, un de ceux qui faisaient le tour des fermes pour ramasser le lait. Ou un de ces autres camions qui partaient livrer les produits de la laiterie…
Cette pâture, qui tombait juste avant la route était fermée par trois rangées de fil de fer barbelés. Bien souvent l’équipage se penchait d’un côté ou de l’autre, ainsi il renversait le traîneau et stoppait net. Celui qui ne savait pas s’arrêter ou qui l’oubliait… Amateurs de sensations fortes et de vitesse, en avant ! Dès le repas avalé, tirant leurs traîneaux, nos parents, la tatâ Nénète et le nonôn Popaul s’en allèrent là-haut, au-delà de la gare, juste après l’Ecole d’Agriculture. Ils n’en reviendraient qu’à la tombée de la nuit.