La Saint-Jean

C’est l’été (C’est la fête)

 
 
 

Pour l’occasion nous avions laissé le Fofo chez la tante Agathe. Cette Saint-Jean marquait aussi l’arrivée des Hayônche, ma marraine et mon parrain. Alors, tu parles si j’étais content. Ils allaient bien m’apporter un petit cadeau.
Le samedi, nous nous étions bien amusés sur le manège des Kiener. Notre maman disait que c’étaient les chevaux de bois. Certes, il y avait bien trois ou quatre chevaux de bois, mais notre époque était moderne, nème ! Alors, nous pouvions choisir entre des automobiles, des tracteurs, des avions, des vélos… Il y avait même un camion de pompiers avec sa grande échelle, mon favori. Et il fallait attraper le pompon pour obtenir un tour gratuit. Heureusement que nos grandes cousines nous prêtaient main forte.
Nous avions eu droit aux balançoires, les petites bien sûr… Et chacun y allait de sa goyote : notre mémère, la tante Luluce, nos parents, les Hayônche, le Nonôn Popaul et la tatâ Nénète. Ça en faisait des tours !
Nos cousines nous avaient même emmenés dans la chenille. Des montées, des descentes qui faisaient grayouter les ventres. Hou ! Ça faisait peur lorsque le toit se refermait et qu’on filait à vive allure. Franchement, une belle expérience. Notre papa avait même emmené la Mikète sur les auto-tamponneuses. Moi, j’irai l’année prochaine. Outre les places de manège, notre mémère nous avait offert des glaces. Une bonne glace avec trois boules, une chocolat, l’autre vanille, la dernière pistache. Et la roulotte à nougats, hum…

 

Nous avions retrouvé le Mimil’ et la Mimie. Toujours prêt à faire le coq, notre papa avait lancé un défi aux hommes : « J’vous prends au tir ». Pour les entendre crier, on les avait entendus lorsqu’ils faisaient mouche. « Clac, clac » que ça faisait après avoir traversé le carton-cible. Se prenant pour un héros du Far-West, notre papa avait brandit sa carabine d’une main et son carton troué au centre de l’autre : « J’suis le meilleur ! » braillait-il. Il venait de gagner une peluche, un nounours.
Et à la grande loterie, ça il y avait des cris, des rires. A savoir qui remporterait le plus gros lot. J’eus le droit de plonger la main dans le sac. J’en ressortis un papier roulé :
- 7 ! (cria notre maman) Mon jour de naissance, ça va me porter chance.
Ma sœur fit la même chose pour le compte de notre papa :
- 5 ! (clama-t-il après avoir enlevé la bague et déroulé son papier).
Nous prêtâmes notre savoir-faire à notre mémère pour ma sœur, à la tante Luluce pour moi.
- Un rien les amuse (rigola notre papa).
Au fond de la roulotte, les étagères regorgeaient d’articles plus alléchants les uns que les autres. Ma sœur convoitait la grande poupée. Moi ? Bof… Mon regard se fichait sur la grande roue découpée en bande de couleurs. Enfin, la dame déclencha le suspens. La roue pavée de numéros tourna...
- 7 ! 7 ! (criait notre maman) Allez !
- Où môman ?
- Là, la bande rouge, c’est nous. Allez ! Allez !
Alors, je me mis à crier « 7 » comme notre maman. La fameuse bande rouge se rapprochait tandis que la roue ralentissait. La roue freina sur le 7 :
- Tu vois, ça m’a porté chance ! (exultait-elle).
La roue hésita, vacilla, avança, recula, passa le 7 pour s’arrêter sur le 14. « Oh… » ; « C’est moi ! Le 14, c’est moi » cria le nonôn Popaul. Il gagnait la grande poupée. Et l’on recommença. Notre papa se distingua en raflant un tout petit singe en peluche. Par contre, notre maman gagna une bouteille de vin.
La tante Luluce nous avait offert des pâtes de fruit.
- Hum ! Que ça a l’air bon (en bavait notre maman).
Elle le répéta au moins dix fois. Nous finîmes par lui en donné une. C’est qu’elle ne la refusa pas.
- Un c’est tout. Les autres c’est pour nous ! (avertit ma sœur).
Au stand suivant, la tante Luluce remit ça et offrit, cette fois, des gaufres avec de la Chantilly.

 

Et tout le monde se retrouva sur la terrasse de la Lolote. Ça il y avait du monde et de l’ambiance.
- Vous êtes en pèlerinage ! (badina la Lolote à l’intention de nos parents).
- Y faisait froid cette fois-là (rigola notre maman) On était à l’intérieur. Et y’avait moins de monde.
- Cette Saint-Jean est gravée dans ma mémoire (fit la Lolote) Toi, la Mimie, le Milou et son copain de Nancy… Ah, vous pensiez pas vous retrouver là, sept ans plus tard avec deux Mioches.
La Lolote proposa des « Sic » pour les enfants. C’était un soda, une nouvelleté fabriquée par la Brasserie Champigneulles, pas mauvais du tout. Les hommes prirent un demi et les femmes un panaché. « Champigneulles ou Schutz ? ». En bon Nancéien d’origine, notre papa choisit Champigneulles, pour le taquiner le nonôn Popaul préféra l’alsacienne Schutz. Le Mimil, lui « Amos. Moi, je reste Mosellan ».
- T’rappelle Oda (fit la Mimie) on leur avait fait croire qu’on était du Midi…
A cette époque, revenues d’exil récemment, la Mimie avait encore son accent de Dordogne et notre maman son accent d’Albi. Mais le lendemain, par un temps toujours aussi froid et pluvieux pour une Saint-Jean, la Lolote avait vendu la mèche en disant qu’elle connaissait « l’Oda et la Mimie depuis qu’elles étaient toutes petites ». Et notre maman raconta sa rencontre avec notre papa. Il était en train de casser des gaufres sur la tête de son copain.
- C’est pas plutôt sur ta tête qu’il les cassait (se boyauta le nonôn Popaul).
Notre maman rit un bon coup et :
- Figure-toi que j’le trouvais trop petit. Bon, il était drôle, mais trop petit.
La Mimie confirma :
- C’était juste un copain. Il fallut le temps des mirabelles.
- Honoré de la comparaison ! (ria notre papa) La mirabelle est petite, mais combien bonne.
- Et elle donne un alcool (rêva le nonôn Popaul).
Notre papa sauta sur l’occasion pour annoncer qu’il allait faire de la mirabelle l’année prochaine.
- T’as même pas de verger ! (persifla notre maman).
- Pas besoin, ton père m’a dit qu’il avait trop de mirabelles. Suffira qu’on aille les récolter. Et le tour est joué.
Le pépère confirma qu’il en avait trop et que ça lui faisait plaisir de les offrir à son gendre. Le Mimil’ s’invita :
- Dès que tu distilles, tu m’le dis ! Ça s’ra le baptême de la mirabelle du Milou.
- J’viendrai avec ! (approuva le nonôn Popaul).
- Oh, toi ! Pour cheûler, t’es jamais le dernier (maugréa la tatâ Nénète).

 

Le dimanche, la mémère avait pour coutume de rassembler la famille à sa table. Comme le faisait autrefois sa mère. Il y avait le nonôn Popaul et la tatâ Nénète, tous leurs enfants. La tante Luluce avait amené le gâteau et ses invités. Je veux parler de mon parrain, de ma marraine et de leur fille. Quelle assemblée ! Que le repas avait été bon : le traditionnel pâté lorrain des Stène suivi par deux lapins. Notre mémère les avait accompagnés d’un de ces roux, dont elle avait le secret. A tomber à genoux !
Tu connais les adultes, une fois qu’ils étaient vautrés à table, ils avaient du mal d’en sortir. Ah ! Les grands avaient bien de la chance. Nos cousines et cousins avaient pu partir sur la place. Tous les adultes y avaient été de leur goyote afin qu’ils puissent s’amuser sur les manèges. Mais, nous, on était trop petit, voilà !

 

Notre papa avait sorti une Gauloise, mon parrain idem, le nonôn Popaul sa pipe et notre maman une Royale mentholée. Le dimanche, elle se permettait un petit plaisir, disait-elle. Le pépère ouvrit sa boîte magique. Une belle boîte, métallique, toute argentée, toute brillante. Je le regardais avec ce vif intérêt qui m’était coutumier dans ces circonstances.
Ah ! C’est qu’il prenait du plaisir. Le papier était posé dans le creux formé par la toile brune. Le pépère aéra méticuleusement son tabac gris, l’étala sur le papier, l’arrangea. Il redressa le couvercle. Un regard complice dans ma direction.
- A moi ?
- Vas-y le Dabo.
Qu’il était gentil le pépère. Il savait que j’aimais bien faire ça. D’un coup, je refermais le couvercle. Et hop ! Magique.
- Elle est belle ta stepchen, nème pépère ?

 

Le pépère sortit sa mirabelle. Une mirabelle, mon ami… Ô quelle sentait bon… C’est lui-même qui la distillait. Plutôt, un spécialiste qui installait son alambic au sous-sol. Même que l’un d’eux avait inondé les archives de la Sous-préfecture une fois. Revenons à ce doux parfum de mirabelle. Mes papilles en frétillaient.
- Un sucre môman ! (réclamai-je).
Je l’obtins. Notre maman l’humecta de mirabelle. Comme notre maman et la mémère le faisaient, je m’apprêtais à le tremper à nouveau. Notre papa m’attrapa la main juste au-dessus du verre :
- Sâpré waré !
D’un coup, tous les adultes me tombèrent sur le dos. « Tu es trop petit » et ceci et cela… Et le nonôn Popaul rajouta en se boyautant :
- Milou ! T’auras intérêt à surveiller ta production l’année prochaine. L’piat va tout siffler…
Et les adultes s’esclaffèrent. Franchement, un rien les faisait rire.
Notre papa, mon parrain et le nonôn Popaul avaient repris un petit coup de chnapse. Je n’avais eu droit qu’à un nouveau sucre… sec.

 

Ah ! Ce mois de juillet était vraiment un joli mois. Sans compter qu’il faisait chaud… La fête de la Saint-Jean était bel et bien finie. Samedi, dimanche, lundi… c’est que chez nous le lundi de la fête patronale est férié, « pas comme à l’Intérieur » rigolait le nonôn Popaul pour faire marronner notre papa.
Notre Fofo avait passé ces trois jours chez la tante Agathe. Il y était resté même la nuit, vu que nous rentrions bien tard et qu’on ne voulait pas déranger la tante.

 
 
Flech cyrarr

A suivre

Ouârés d’poissons

(C’est l’été // C’est la fête)

Un concours qui porte ses fruits...

 

Le Sotré
C’est la fête :
Purification
La Noël
La Prothèse
Sports d’hiver
La Voix de son Maître
L’apéro
C’est l’été
La Saint-Jean
Ouâré d’ poissons

La Gazette des Fiawesjuillet 1954

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

En savoir plus sur les personnages :
Ma sœur 5 ans, j'ai 2 ans 1/2, le Fofo 12 ans, notre maman 28 ans, notre papa 28 ans.

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Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 08/04/2024

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