Notre maman lâcha : « Oh, la vache ! Mon manger est pas prêt ». Elle mit le troispieds sur la pierre à eau, versa le contenu de sa cocotte dedans afin d’égoutter les patates. Elle étala un torchon sur le plan de travail, secoua son troispieds, versa son contenu sur le torchon et essuya les patates. Tout à son ouvrage, elle regarda son père et sur un ton agressif :
- T’es monté pour faire la morale au Milou ?
- Tu m’connais mal ma fille. Les histoires entre le Milou et le Mièsse ne me regardent pas.
- Pourtant avec tout ce que raconte la môman !
Lorsque c’était Pétain au pouvoir, il était pour Pétain. Lorsque c’était de Gaulle, il était pour de Gaulle. Maintenant, c’était Mendès-France, il était pour Mendès-France. En résumé, le pépère était fonctionnaire, un fonctionnaire dévoué à son administration. Notre maman avait mis sa cocotte en fonte sur la gazinière et allumé le plus gros des brûleurs. Elle versa de l’huile dans la cocotte.
- Te fais des rôties ? (demanda le Mimil’) Je m’invite.
- Oh, la vache ! (s’écria notre maman) j’ai pas été chercher mon fromage blanc, ma crème, mon lait.
- T’énerve pas Oda, j’irai tout à l’heure (la calma notre papa).
- Et la tante Agathe qu’aura son manger avant pas d’heure… (Puis se souvenant de la réponse de son père, elle grogna sans perdre son ton agressif) Et alors ?
- Alors ? Le Sous-préfet me dit « Faites ceci », je le fais. « Faites cela », je le fais. Le reste ne me concerne pas et je n’ai pas à donner mon avis. T’inquiètes pas, je pense que le Sous-préfet est bien content de c’qui arrive au Mièsse. Depuis qu’il est en poste chez nous, le Mièsse n’arrête pas de lui mettre des bâtons dans les roues. Pourtant le Sous-préfet est loin d’être un Communiste (railla-t-il).