Dominique

Le Verso (Ardennes)

Dominique occupait la chambre juste à côté, au bout de la coursive. Agé d’une cinquantaine d’années, Dominique avait le cheveu court pour ne pas dire qu’il était coupé à la brosse. Une bonne tête rigolote et un accent du Sud. Pourtant, il était sur Charleville depuis l’âge de 13 ans. Dominique avait quitté le lycée jeune, à ses 17 ans. Tout naturellement, son père l’avait fait embaucher là où il travaillait, une grosse étude notariale. Mais, ce travail de grouillot ne le satisfaisait pas, alors il entra dans un grand groupe comme chauffeur-livreur. Et puis, il avait trouvé cette place de réceptionnaire au supermarché. Il dépassait alors les 33 ans.
Aujourd’hui, son fils était âgé de 30 ans et sa fille de 27. Sa femme, était autrefois, clerc de notaire à Charleville. Là où Dominique avait été grouillot dans sa jeunesse. Sa femme avait trouvé une meilleure place, toujours comme clerc, à Rocroi, presque à la frontière belge. Alors, ils déménagèrent là-bas. La petite ville était agréable et bien plus calme que Charleville. Tous les jours de la semaine et un samedi sur deux, Dominique faisait la navette entre Rocroi et le supermarché. Au début cela ne le dérangeait guère de faire la trentaine de kilomètres pour venir et autant pour rentrer. Mais, avec les années qui s’accumulaient, Dominique se sentait fatigué, surtout qu’il commençait à 6h pour finir à 13h30. C’est pour cette raison qu’il louait une chambre à l’hôtel, deux à trois nuits par semaine.

 

Dominique était quelqu’un d’expansif, un joyeux drille qui parlait à tout le monde ou presque. Il croisait rarement Marcelin et ses camarades puisqu’ils n’avaient pas les mêmes horaires. Mais, lorsque les Africains avaient fait grève pour obtenir leur régularisation et les papiers officiels, il avait clamé partout dans le supermarché, haut et fort, qu’il fallait les soutenir. Ça ne plaisait pas à tout le monde, mais il s’en foutait.
Dominique avait eu maille à partir avec le chef de la Sécurité lors de l’histoire avec le jeune buveur de bières. Il avait promis, qu’un jour, il verserait une palette sur la gueule du chef de la Sécurité et de son chien de garde Yannick. Depuis le chef de la Sécurité se tenait à distance lorsque Dominique manœuvrait son chariot élévateur. Quant au chien de garde Yannick, il était licencié. Dominique avait eu maille à partir avec Guy parce qu’il n’avait pas voulu défendre le jeune buveur de bières contre la Direction. Dominique n’aimait pas les directeurs et se réjouissait en raillant Eric, le Directeur-adjoint déchu. Mis à part ces cinq connards, Dominique aimait tout le monde, discutait avec les uns et les autres, était toujours prêt à donner un coup de main à celle ou celui qui était en difficulté.

 

Ce fut lui qui nous conta la vie des « habitants » de l’hôtel. Faut admettre que Dominique ne trahissait pas la réputation des gens du Sud : c’était un grand bavard devant l’éternel.
- Hé les pitchouns, où sont vos parents ? (nous demanda-t-il à la fin de la revue des résidents de l’hôtel).
- Chez nous, en Lorraine.
- Vous êtes tout seuls, ici ? (s’effara-t-il).
- Oh, c’est notre oncle Charles qui s’occupe de nous (mentit ma sœur).
- Si vous voulez les pitchouns, je vous emmène à Rocroi demain matin. Vous verrez, c’est une très jolie ville. Je termine mon taf à 10h. Enfin, si votre oncle Charles est d’accord.
- On verra… (fit ma sœur en laissant planer le doute).

 

Il était temps d’aller dormir. Avant de nous coucher, nous passâmes en revue notre journée. Nous tombâmes d’accord. Charles nous était apparu comme par magie devant le mur où était écris le poème de Rimbaud. Charles avait, tout autant par magie, disparu après nous avoir amené à l’hôtel. Il n’y avait pas à tortiller du cul pour chier droit dans une bouteille, comme disait notre maman, le Sotré avait pris l’apparence de Charles pour nous guider dans Charleville. Et nous, comme des cons, nous étions obnubilés par la mer au lieu au lieu de profiter plus amplement de cette ville. Sûr, demain, on écouterait mieux Charles…
Je montais dans le lit du haut, tandis que ma sœur s’installait dans celui du bas. Attisé par cette journée bien remplie, le sommeil ne tarda pas à nous emporter.

 
 
 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

Voir le Dictionnaire des Mioches

Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 24/10/2023

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