J’écarquillai les yeux. Je me dressai : Mikète, ousque t’es ?
- Là, Dabo… Dans mon lit… La Bianche-tète a disparu.
La porte s’ouvrit : « On a bien dormi ? ». En un tour de main, notre maman m’attrapa, me souleva, me déposa sur le plancher. Une langue me râpa le visage. D’un revers de coude, j’éloignai l’intrus. Celui-ci s’élança vers la Mikète qui s’amusa avec lui. L’ouverture de la fenêtre nous fit trembloter. Le couinement des gonds nous réveilla complètement. L’ouverture des volets nous fit cligner des yeux.
- Bonjour madame Chlodère, ça va ?
Le chaleureux accent de Fanny s’engouffra dans la chambre. A la suite de ma sœur et du Fofo, je me précipitai. Enfin, à quatre pattes, j’étais plutôt handicapé. Ma sœur agitait la main pour faire coucou à Fanny. L’appui de la fenêtre lui arrivait un peu en-dessous des épaules. Quand au Fofo, il se dressait sur ses pattes arrière et arrivait tout juste à poser son museau sur l’appui. Notre Fofo n’était pas bien grand, « C’est un corniaud » nous avait dit notre papa. Sous-entendu qu’il n’était d’aucune race, mais bâtard. Faudra que je vérifie ce mot dans le dictionnaire lorsque je serais grand. Autrefois, c’était le chien des parents de notre papa. Notre grand-père étant décédé dans un accident de moto, notre grand-mère avait dû reprendre le travail. Si bien que le pauvre Fofo restait seul la journée sans pouvoir sortir. Alors, un beau soir, notre papa l’avait ramené chez nous. Ma sœur et le Fofo faisaient coucou à Fanny. Moi, je m’agrippai à la jupe de notre maman jusqu’à temps : « Ah oui, t’veux faire bonjour à Fanny ». Et notre maman me prit dans ses bras.
- On va encore avoir de la pluie.
- Qu’est-ce que vous dîtes ? (cria Fanny).
Un tintamarre martelait les pavés. Le passage du camion nous cacha Fanny un bref instant. Des camions, il n’en passait guère. Mais, il en suffisait d’un pour causer quelques désagréments, principalement la nuit. Les vitres en vibraient tant c’était fort. Et finissait même par nous réveiller en sursaut. Et je ne parle pas des convois militaires américains. Là, cela devenait insupportable. « J’vâs foutre une bombe pour les empêcher d’passer ! » morigénait notre papa.