Cette histoire avait commencé dès notre arrivé chez la mémère Maria. Les adultes s’étaient lâchés. Histoire de les remettre à leur place, j’avais protesté en braillant. Aussitôt, notre maman avait mis fin au carnage : « La journée a été dure. On va le laisser se reposer ». Et tout le monde avait bruyamment approuvé. Comment aurai-je pu me reposer avec leurs bavardages, leurs rires, leur vacarme ? Et voilà que ce soir, ça recommençait. D’abord, on me passa de main en main. Et l’une me farfouillait les oreilles. Et l’autre les pieds. On me trifouillait partout.
- Il a les yeux de son père (affirma le Félix).
- De visage, c’est toi Oda (renchérit la Domi).
- Il sera blond comme sa sœur (prédit ma marraine).
Tu parles, je n’avais même pas un poil sur la tête. Je devais à chaque fois sourire, voire rire, sous menace qu’on me triture le menton. Et chacun s’ingéniait à faire des « arreuh, arreuh » comme si j’étais un demeuré. Ils ne pouvaient donc pas me parler normalement. C’est comme qui dirait que c’était ma fête. Mais de cette fête-là, moi je n’en voulais pas. Hé, je ne suis pas un jouet, foutez-moi la paix ! Buvez votre apéro et laissez-moi tranquille.