C’est la fête

Le Sotré (10)

 
 
 

Et les supplices n’étaient pas finis…
Ici, la rue du Graouli débouchait sur la rue Saint-Nicolas. Nous étions donc en bas de l’immeuble où habitaient la tatâ Nénète et le nonôn Popaul. Un bien bel immeuble, soit dit en passant, avec un superbe balcon et sa grille en fer forgé à l’angle de la rue. L’appartement du Félix se trouvait un peu plus bas, juste au-dessus de la SANAL.
Juste à ce moment passa le Fanfan, le nonôn Popaul lui cria :
- Encore sur la brèche ?
- Y’a pas de repos pour un sergent de ville.
- Ecoutez ! (rigola le nonôn).
Un long couinement, le Fanfan freinait avant la petite descente et le virage qui permettaient à la rue du Graouli de rejoindre la rue Saint-Nicolas.
- Son vélo a le même âge que lui (railla notre papa).
- Pourtant le Jano en a de bien beaux (compléta notre maman sur le même ton).
Le Jano vendait (et réparait) des bicyclettes. Son magasin-atelier était juste à la sortie du virage. Malgré son allure modérée, le Fanfan se retrouva au milieu de la chaussée. Une automobile arrivait en sens inverse et le… klaxonna.
- Un jour, il va se faire écrabouillé (tonna le nonôn).

 

Le temps que les grandes personnes discourent, le Félix et la Domi nous avaient rejoints :
- J’apporte les munitions ! (s’exclama le Félix en montrant la bouteille de Martini et celle de whisky dans son sac).
- Fallait pas (protesta mollement la tatâ Nénète).
- Tu parles, ça ne lui a pas coûté cher.
- Dis-donc Popaul (fit semblant de se vexer le Félix) Le whisky, c’est de l’écossais qu’i m’a dit. Il me l’a échangé contre deux Martini.
- T’vâs avoir des ennuis à voler toujours comme ça ton patron (fit notre maman sur un ton de reproche).
- Penses-tu. Tout le monde le fait. Ça s’appelle le complément de paie. Nème Milou !
- Les patrons nous volent assez (approuva notre papa).
Le couârail s’éternisait. C’est que je commençais à avoir faim. C’est que ma marraine m’avait sorti de ma poussette et qu’elle me tenait dans ses bras. Mes cousins et cousines étaient montés depuis longtemps. Ils avaient entraîné ma sœur. Et les grandes personnes péroraient. A dire des blagues qui ne faisaient rire qu’eux. J’avais faim, moi ! Histoire de les activer, je poussai deux trois hurlements. « C’est bon. T’vâs avoir ton biberon ». Tiens, pour une fois, notre maman avait compris mes désirs. Ou elle les avait interprétés. Va savoir. Toujours est-il que les grandes personnes se mirent en branle et attaquèrent d’un bon pied l’escalier.

 

Cette histoire avait commencé dès notre arrivé chez la mémère Maria. Les adultes s’étaient lâchés. Histoire de les remettre à leur place, j’avais protesté en braillant. Aussitôt, notre maman avait mis fin au carnage : « La journée a été dure. On va le laisser se reposer ». Et tout le monde avait bruyamment approuvé. Comment aurai-je pu me reposer avec leurs bavardages, leurs rires, leur vacarme ? Et voilà que ce soir, ça recommençait. D’abord, on me passa de main en main. Et l’une me farfouillait les oreilles. Et l’autre les pieds. On me trifouillait partout.
- Il a les yeux de son père (affirma le Félix).
- De visage, c’est toi Oda (renchérit la Domi).
- Il sera blond comme sa sœur (prédit ma marraine).
Tu parles, je n’avais même pas un poil sur la tête. Je devais à chaque fois sourire, voire rire, sous menace qu’on me triture le menton. Et chacun s’ingéniait à faire des « arreuh, arreuh » comme si j’étais un demeuré. Ils ne pouvaient donc pas me parler normalement. C’est comme qui dirait que c’était ma fête. Mais de cette fête-là, moi je n’en voulais pas. Hé, je ne suis pas un jouet, foutez-moi la paix ! Buvez votre apéro et laissez-moi tranquille.

 

Le summum fut atteint après mon biberon et mes trois rots rituels. Mon parrain m’attrapa. Je ne sais ce qu’il lui passa dans la tête, voilà qu’il me « projeta » vers le plafond. Et une fois ne lui suffit pas, il recommença, et il recommença. Ma parole, ce con-là, il voulait me faire dégueuler. C’en était de trop ! Je me mis à brailler, mais à brailler.
- Ça lui fait peur (l’arrêta ma marraine).
- Ta cousine, elle aime bien quand je la lance au plafond.
Sa fille avait trois mois de plus que moi. Elle avait bien de la chance d’être restée avec les anciens chez la mémère Maria. Au moins, elle échappait au délire des grandes personnes. Je te jure. Bon, tu me mets dans mon lit. Cela ne calma pas pour autant mon parrain. Il me relança vers le plafond. C’en était de trop ! J’ouvris en grand la bouche. Vlan ! une giclée. Crois-moi, cette fois, cela le calma pour de bon. Il me confia aussitôt à notre maman qui me déposa dans le lit que la tatâ Nénète m’avait préparé. Mon parrain n’avait plus qu’à aller se débarbouiller.
Le reste de la soirée, mis à part leur tapage, fut plus calme. Enfin, cette soi-disant fête se termina. Pas trop tôt…

 
 
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Le Sotré (11) La Grotte
Un monstre s'en prend à not' Fofo..

Date de dernière mise à jour : 23/02/2025

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