Revenu à de meilleurs sentiments, notre papa brancha les guirlandes dans la prise toute proche. « Môon ! Ça biawate » s’enthousiasma ma sœur. Pour clignoter, elles clignotaient. Bien qu’on soit en plein jour et que le Soleil donna le meilleur de lui-même. « Vous verrez lorsqu’il fera nuit, on allumera ». Au pied du sapin, notre papa arrangea un grand papier brun, lui donna des plis et des boursouflures afin de former des rochers. Ainsi, il aménagea une sorte de grotte. Du carton, il sortit quelque chose emballé dans du papier tout fin. L’objet était aussi grand que la paume de sa main. Il déplia le papier et :
- Une vache (reconnu ma sœur. Notre papa fit non de la tête) Un taureau, alors ?
- Non plus… Pas une vache, pas un taureau… (Ma sœur afficha une bouille déconcertée, perplexe même. Notre papa lâcha) Un bœuf.
- Ah oui, j’ai vu dans les champs : les vaches et les taureaux sont noir et blanc. Çui-là, il est brun, nème papa ?
Il réfléchit un moment, tandis que notre maman souriait lorsqu’elle pensait à des choses que les enfants n’avaient pas besoin de connaître.
- La couleur a rien à voir. Le bœuf, c’est un jeune taureau à qui on a coupé les couilles.
- Milou ! (protesta notre maman).
- C’est quoi les couilles ?
- Te v’là bien pris (ironisa notre maman).
- T’rappelles quand on a mangé chez le papa de la Mimie…
- Ah oui. Le papa d’la Mimie, il a dit comme ça : Oda, vous avez mangé des couilles de taureau. J’me rappelle. Un bœuf, c’est comme une vache et un taureau sans couille, nème papa ?
Notre papa fit oui de la tête, puis il déballa une Vierge drapée dans sa longue tunique bleue et son voile blanc, un Joseph barbu vêtu d’une tunique brun foncé, un âne tout gris. Il les plaça dans la grotte.
- Ils habitent dans une grotte comme la Sotrée.
Nos parents levèrent les yeux au Ciel sans faire de remarque. Sauf notre maman qui bougonna :
- Normalement, c’est dans une étable.
- On f’ra ça l’année prochaine (ria notre papa) C’est quand même une crèche, la grotte.