Notre maman discutait avec une connaissance, ma sœur en profita pour revenir sur le Sotré. Ainsi, elle narra notre visite à la Bianche-tète et la présence du Chanoire. Contrairement aux autres grandes personnes, le Totol l’écouta religieusement, hochant la tête en signe d’approbation. Il finit par :
- A mon avis, ta Bianche-tète c’était le Sotré.
- La Bianche-tète… le Sotré… Comment te sais ? (sans laisser le temps au Totol de répondre, ma sœur enchaîna) Alôre, le Sotré, c’est pas un esprit ?
- Oh, tu sais, le Sotré est très malin. Il est magicien et, parfois, il se déguise pour faire ses blagues.
Et le Chanoire sur l’appui de la fenêtre de la mère Kélère, ah comment il allait expliquer ça le Totol ? Simple, répondit-il, le Sotré préparait un mauvais coup, il a envoyé le Chanoire pour repérer les lieux.
- Bâ, alôre ! (s’extasia ma sœur).
Le Totol était bien intéressant. Dorénavant, nous saurions où nous adresser pour en connaître plus. Comment n’y avions pas pensé plus tôt ? La Bianche-tète n’avait jamais existé. Tout simplement, c’était le Sotré qui avait pris son apparence pour mieux nous tromper. Il nous expliqua que le Sotré était une légende vivante.
- C’est quoi une légende vivante ?
Le Sotré avait traversé les siècles et, depuis toujours, il faisait des blagues.
- Et Dieu et le P’tit-Jésus, c’est une légende aussi ?
Là, ça coinça. Le Totol s’embourbait dans ses explications. Il finit par reconnaître :
- Dieu et le P’tit-Jésus, c’est la religion… Une légende de la religion (se reprit-il).
Notre maman était de retour avec nous, ce qui clôt la discussion. Elle commanda encore des poires, des poireaux, des navets, des carottes. Ma sœur repassa à l’action. Cela lui faisait grand plaisir de jouer à la marchande. Lorsque tout fut pesé, les prix calculés, l’addition effectuée sur la page du cahier, notre maman régla. Le Totol rajouta deux poires.