Déguisé en Bianche-tète, le Sotré nous avait fait visiter sa grotte. C’était un endroit lugubre, effrayant. Et le Sotré qui se déguisait en Grilou ces temps-ci. On avait vu avec quelle rapidité, il avait sauté sur notre pauvre Fofo. Sans l’intervention de notre papa, le Sotré l’aurait dévoré. Mais, aujourd’hui, notre papa armé de sa charpagne n’était pas là. Nous étions seuls face au danger.
Le père Choumake avait combattu le Sotré. Méthodiquement, il réparait les chaussures que le Sotré usait, il recollait les semelles que le Sotré arrachait des pieds des braves gens. Tel un guerrier, le père Choumake avait affronté le Sotré. Nous allions suivre son exemple. Un nouveau grognement résonna, encore plus proche. Ma sœur bandait ses muscles, sur le point de bondir. De lourds pas remontaient l’escalier… Je restais comme pétrifié… Un…
Je crayai des yeux comme un crapaud sous une motte de terre… Un… Malgré son courage, le père Choumake avait perdu la bataille. Le Sotré avait eu raison de lui, il avait détruit par le feu l’atelier du cordonnier. Un tremblement s’empara de mon corps. Ma sœur marqua un temps d’arrêt. Elle vacilla… J’eus l’impression qu’elle allait piquer du nez dans le trou noir. Se rétablissant brusquement, elle afficha une bouille déconfite.
- V’là les Mioches ! (s’exclama l’homme en guise de bonjour).
Remise de sa surprise, sans même le saluer, ma sœur l’interrogea :
- Quesqu’i’a là-dedans ?
Il n’était autre que le Claudi, un cousin de notre maman. Il tenait à la main un sac en toile, vide, noirci par la poussière. Semblables aux grognements, une nouvelle quinte de toux le secoua. Ayant retrouvé toutes ses facultés, il expliqua que c’était une cave.
- Je sais ! Qu’est-ce t’vâs faire ?
Le Claudi réajusta sa casquette, s’éclaircit la voix. De son camion, il prenait un sac remplit de charbon, le mettait sur son dos, le descendait à la cave et vidait le charbon. Ainsi, la mère Kélère pourrait se chauffer l’hiver. Le Claudi livrait le charbon, ça on le savait depuis longtemps puisqu’il le faisait régulièrement chez nous. Ma sœur voulut descendre pour vérifier ses dires. Penses voir, l’escalier était trop raide. Elle risquait de se fracasser les côtes si elle tombait. Cela ne la découragea pas pour autant.
- J’veux voir le Sotré !