Katie n’était pas seulement une bonne épouse, qui sait bien tenir une maison, élever une famille. Katie est semblable à un phare, haute, lumineuse et fidèle. Elle sait se dresser au milieu de la nuit et de la tempête des êtres pour indiquer à chacun la bonne route. Elle ne se lamente pas sur les nombreux aléas de la vie. Au seuil même de la porte, à votre appel, elle interroge, anxieuse : « Vous avez besoin de moi ? »
Martha se mit à sangloter par petits sanglots ramassés et drus. Katie la tint serrée contre elle, la berça tendrement, comme si elle eut veillé un enfant malade. Sous l’étreinte plus maternelle qu’amicale, la veuve se calma peu à peu, puis se mit à pleurer silencieusement.
- Erin, c’est mon mari, cria-t-elle soudainement dans un sursaut de révolte. On me l’a enlevé… Je ne le reverrai plus jamais… Il était tellement bon !
Katie pleurait à son tour. De son tablier elle sortit un large mouchoir tout blanc et, avec la sollicitude qu’elle apportait à toutes choses, lui essuya le visage, d’ordinaire si serein, maintenant ruisselant de pleurs.
- Écoute, Martha…
Longtemps elle parla, tâchant, de ses paroles toutes de patience et de sagesse, de dénouer les liens enserrant le cœur de sa belle-sœur.
- Le mal est fait, rien, absolument rien ne pourra l’effacer. Il faut prier et se raisonner.
- Me raisonner pour oublier Erin ? Jamais ! Tu sais bien que ce n’est pas possible.
- Non, mais pour venir à bout de ta peine. Tu penseras encore à lui, toute ta vie, mais d’une meilleur manière. Pendant toutes ces années il t’a donné son cœur, son amour, vous vous êtes aimé avec passion. Et puis, il te reste deux merveilleux enfants qui ont plus que jamais besoin de toi et toi d’eux. Un jour, plus tard, tu comprendras : la peine, ma fille, ça meurt comme la joie. Tout fini par mourir à la longue. C’est dans l’ordre des choses. Ne reste surtout pas sans un accent de vie, penchée sur ton mal comme une plante morte dans son pot. Redresse-toi, fais face à la vie comme tu l’as toujours fait.