Alerté par Paddy, Geoff Malone arriva en trombe dans la maison, grimpa les marches quatre à quatre et arriva au haut de l’escalier essoufflé d’avoir tant couru. Apercevant le corps inerte étendu sur le plancher, Geoff était soudain devenu pâle. Pressentant quelque épouvantable malheur, un frisson lui parcouru le dos, sa voix tremblait :
- Tonnerre de Dieu ! jura-t-il, que s’est-il passé ?
Les détails de cette déchirante affaire, il les apprendrait plus tard, il n’en savait que trop déjà : Erin était probablement tombé, foudroyé par un de ces chiens d’anglais venu le déposséder de ses biens.
- Sois courageuse, Martha, nous allons prier ensemble, ajouta-t-il. C’est un bien grand malheur pour toi et ta famille, pour tous les gens du hameau et du village. Katie, ma femme, t’attend à la maison, à partir de maintenant, tu vivras avec nous.
Il ajouta, d’un ton rogue, les poings serrés :
- Je n’ai pas l’habitude d’avoir peur pour rien, observa-t-il, mais quand je pense à la rage et à la haine que ces chiens d’anglais nous portent, je me dis que la guerre est déclarée. C’est simple, ils veulent nous dominer ou nous écraser. Si nous n’avons pas l’énergie pour nous défendre, ils trouveront, eux, le moyen de nous faire encore plus mal. Il est difficile de rester civilisé lorsqu’on assiste à des scènes d’une telle sauvagerie. La misère de nos familles, les expulsions… rien que pour l’année dernière, il y en a eu plus de cinq mille… vous vous rendez-compte !
Il avait parlé lentement, comme s’il mesurait la portée de chacune de ses paroles. Il sentait confusément la gravité du moment et sa nervosité s’accroissait. Puis, se tournant vers Gaélen :
- Aide-moi, on va déposer Erin sur le lit pour que ces dames lui fassent sa toilette mortuaire. Pendant ce temps, nous attellerons mon cheval et irons à Killaloe prévenir le curé et chez Colum O’Connor acheter un cercueil.