Et comme l’avait prédit le Zidôre, le cheval s’arrêta à la maison suivante. « Bon, à plus », le Zidôre le rejoignit, tapa sur la ridelle. Le Haretar reprit sa marche et ainsi de suite à chaque maison.
Le Haretar nous avait laissé choir. Depuis un moment, le Fofo s’était couché dans le couloir, il avait raisonnablement goûté aux plaisirs de la neige. Ma sœur lança une boule qui s’écrasa devant son museau posé sur le sol. Un long râle, le Fofo se leva et alla gratter à la porte de la tante. Quelques instants plus tard, lové sur « sa » chaise devant la fenêtre, il ronflait comme un bienheureux.
Que faire ? Déclencher une bataille de boules de neige ? Mais, voilà, les grandes personnes avaient bien autre chose en tête : résoudre l’énigme de cette lettre que venait de remettre notre facteur à Fanny. La lettre venait de ses parents, venait de Dordogne. Bon sang, comment avait-elle pu passée alors que toutes les routes étaient bloquées ? De tous les côtés, des files de véhicules s’agglutinaient en attendant l’arrivée du chasse-neige.
- Les seules voitures postales qui ont pu arriver, c’est celle de Vic et celle Morhange. Vot’ lettre est arrivée avec celle de Vic.
- Pieuton, tu te fous de nous ! (glapit le père Galate) Vic, c’est pas en Dordogne !
- A sept kilomètres de chez nous (renchérit notre papa) Mon œil qu’elle vient de Vic, ta lettre.
- Regardez ! Vic a apposé son cachet. J’vous mens pas ! On est sérieux aux PTT.
- Nom de Dieu ! Quèce foutait à Vic ? (s’entêtait le père Galate).
- Une erreur de triage… Elle a atterri à Vic au lieu de chez nous. Vic nous la réexpédiée ce matin par la voiture postale.
- Comment elle est passée ta voiture postale ? La côte du Calvaire est bloquée qu’on m’a dit.
Le conducteur était un fin malin. Il n’avait pas pris la route la plus directe, mais suivi la vallée de la Seille et, après Salonnes, il avait rejoint notre Nationale 74. Il avait été bloqué près d’une heure dans la côte de la Bezeraie, jusqu’à l’arrivée du chasse-neige.
- Te vois Galate, t’as beau critiquer les PTT, nous on est efficace.
Et sur ces bonnes paroles, notre homme de lettres poursuivit sa tournée. Pressée de lire sa missive, Fanny s’en retourna. La Catinète lui emboîtant le pas. Le Zidôre et son Haretar tournaient l’angle avec la rue du Beaurepaire.