- Vous devriez faire attention à ce que vous dîtes Mr Franz. Et vous devriez parler en Allemand. Vous allez finir par avoir des ennuis.
- C’est ma façon à moi de résister, Mr Henry. C’est bien peu de choses, mais ça me fait du bien au cœur. Vous savez, je dois même me méfier de mes propres enfants… Et même dans la Wehrmacht, on a des Nazis… Quel dommage que vous partiez…
Depuis quelques semaines Franz s’était évertué à convaincre Mr Henry et d’autres à rester en Lorraine : « Plus il y aura d’Allemands contre Hitler, mieux cela sera ». Franz avait échoué. Aujourd’hui presque toute la ville prenait le chemin de l’exil.
Franz avait échoué comme il avait échoué en novembre 1918 entre le 11 et le 17. A cette époque, les soldats allemands s’étaient rebellés. Ils parlaient même de fusiller leurs propres généraux. Jeune lieutenant à l’époque, Franz avait organisé le Comité chargé du ravitaillement de la ville. Il s’était dépensé sans compter pour approvisionner les habitants et pour les convaincre de rejoindre la Révolution. Mais, voilà, les Lorrains ne les avaient pas suivis, ils voulaient redevenir Français et se fichaient pas mal de la Révolution…
- Je souhaite que cette guerre se termine comme l’autre. Que l’Allemagne perde ! Et, qu’enfin, on construise une société plus juste sur les ruines des capitalistes français et allemands (Mr Henry souleva les épaules) La République Soviétique et Socialiste d’Alsace-Lorraine (rêva Franz en levant les yeux au ciel) Elle n’a pas duré une semaine en 1918. Celle qui viendra bientôt durera toujours… Lorsque vous êtes rentré chez vous en 1919, je n’étais pas là pour vous accueillir. Cette fois, bientôt, Mr Henry je vous accueillerais à votre retour avec le Drapeau rouge des ouvriers.
Mr Henry souleva une nouvelle fois les épaules.