Ce soir-la, notre maman n’était pas la dernière à encourager les quelques écervelés qui jetaient des pierres sur le magasin. Pourtant, ici habitait la Louise Schuh, une de ses copines d’école. Une copine d’avant...
Depuis une demi-heure, trois quarts d’heures, ils étaient une petite centaine, surtout des jeunes, à parcourir les rues. Tout d’abord, ils avaient fait halte devant la maison d’une petite-cousine de notre maman. Pourtant, elle l’aimait bien avant... Pourtant, avec ses parents, elle leur rendait souvent visite avant... Notre grand-mère était même la marraine de leur fille, c’est peu dire.
Puis, la meute avait saccagé le commerce du réparateur de parapluies.
- On va te le faire bouffer ton journal nazi (rigola un jeune).
Toute enseigne en allemand était systématiquement arrachée, piétinée. Maintenant, la meute s’en prenait aux Schuh qui tenaient un commerce de chaussures...
A leur tête un petit nerveux d’une cinquantaine d’années vociférait : « Les Boches, on va vous faire la peau ! ». Notre maman comme les autres tonnaient : « Qu’on leur fasse ce qu’ils nous ont fait ».
La situation était tendue, les plus excités essayèrent d’enfoncer la porte. « Ils sont terrés comme des rats dans leur cave » lança l’un. « T’inquiètes, aboya un autre, on va les déloger ces salauds ! ».