- Ça y est, on est baptisé ! Toujours sur la brèche.
Son foulard sur la tête, la Lolote était en plein ménage.
- Ah ! Oda, j’t’avais point vu. Comment qu’c’est ? Et les Mioches, ça getse ?
Il en était ainsi, la Lolote secouait tapis et torchons sans se préoccuper si quelqu’un passait en-dessous de sa fenêtre. Quasiment toutes les matinées, elle s’affairait au nettoyage, au dépoussiérage, au lavage de son logis. Entre-midi, elle rejoignait son mari au café-restaurant familial situé à côté de l’église, juste à l’entrée de la place de la Saline.
- T’as vu pour le Fanfan… I s’rait à l’hôpital. Pis v’là qu’is sonnent en mort.
La Lolote éclata de rire, notre maman la regarda sans comprendre.
- Je viens de le voir, le Fanfan. Y’a pas une demi-heure.
- Mais, i s’est fait renverser par une voiture. Et on lui a volé son vélo. L’Fanfan s’rait même à l’hôpital. Et les cloches…
- J’te dis, je l’ai vu de mes propres yeux il y a une demi-heure. Avec son vélo. En pleine forme. Il entrait à la Mairie.
- Bâ, pourquoi on raconte çà !
- Quelqu’un raconte un évènement à un autre (elle désigna la dernière phalange de son index droit) L’autre en rajoute. Plus de monde en parle, plus l’évènement prend de l’ampleur (elle désigna son bras droit à la hauteur de son épaule) En tous cas, le Fanfan est bien en forme. Et t’as pas fini d’entendre son biclou qui couine toujours. Une vraie pièce de musée.
- I pourrait lui payer un neuf vélo (ne sut que répondre notre maman).
- Te parles, la Mairie. Si ! On a eu un bon Maire, Monsieur Zinsmeister. Dans le temps, y’avait de l’activité chez nous. Y’avait des usines, r’garde maint’nant ! J’étais jeune avant la guerre de 14. J’peux t’dire que le café de mes parents était plein tous les jours. Aujourd’hui, si on a cinq clients à manger, on est content.