L’épidémie du typhus de 1847 au Québec

 

Mon récit se situe en 1847, mais l’immigration des irlandais avait commencé bien avant, avant que les autorités Canadiennes mettent en place les mesures sanitaires pour contrer la terrible épidémie que ces migrants ont apporté avec eux. Tant à Montréal qu’à Québec, les canadiens contaminés par le virus mouraient par milliers. Je vous fais part d’une lettre écrite par une religieuse dont sa communauté s’est offerte à soigner ces pauvres misérables. La description qu’elle en fait est émouvante et pathétique.

Traditionnellement, c’était les ordres religieux qui s’occupaient du soin des malades à Montréal. En plus, avec l’arrivée de Mgr Bourget à la tête de l’évêché de Montréal en 1840, les communautés religieuses ont connu une grande période de croissance.

C’est ainsi que plusieurs communautés religieuses se sont portées volontaires pour prêter main-forte aux immigrants qui arrivaient contaminés, affaiblis et sans ressource.
Les Sœurs Grises ont été les premières à offrir leur aide aux autorités qui étaient très contentes de pouvoir compter sur les organisations religieuses. Cela leur évitait en plus d’avoir à payer des employés laïcs.
Plusieurs sœurs se sont donc rendues dans les baraques de Pointe-Saint-Charles, qu’elles appelaient les hôpitaux ou les ambulances, pour prodiguer des soins aux malades et les soulager autant qu’elles le pouvaient. Ce qu’elles y ont trouvé à leur arrivée était inimaginable et profondément troublant. La description qu’on pouvait lire dans les annales de La terrible épidémie de 1847 était saisissante :

Jamais langue humaine ne pourrait rendre l’affreux et repoussant spectacle qui s’offrit à leurs regards !!! Des centaines de pestiférés dans la saleté la plus dégoûtante, gisant pour la plupart sur le plancher nu, aux prises avec la mort et dans des souffrances que la plume se refuse à décrire.

 À ce rebutant et navrant spectacle, nos sœurs restèrent immobiles et muettes de stupéfaction, bientôt elles pâlirent et se sentirent faiblir autant par l’infection qui s’exaltait en vapeur de ce fétide et vaste tombeau que ce qu’elles voyaient et entendaient dans ce pêle-mêle d’hommes, de femmes, d’enfants, de morts et de mourants, distinguant, à travers cette horrible et indescriptible confusion, tantôt la voix saccadée, rauque et sépulcrale d’hommes en délire, se débattant contre le feu d’une fièvre dévorante; plus loin, les lamentations de femmes implorant la pitié, se tordant les mains et redemandant leur mari et leurs enfants qu’elles ne voyaient plus autour d’elles.

 Ici, la voix faible et plaintive de délicates jeunes filles, s’adressant à leur mère, à leurs frères et sœurs déjà dans la tombe et les suppliant au nom de Dieu de leur donner un peu d’eau pour rafraîchir leurs lèvres brûlantes.

 À côté, de pauvres adolescents aux membres crispés, à la poitrine haletante d’où s’échappait le râle de la mort. À droite, à gauche, les pleurs, les cris de désespoir de petits innocents se mourant de faim sur le sein tari de leurs mères agonisantes; puis çà et là, de hideux cadavres déjà en pourriture et exhalant une infection à faire pâmer et reculer d’épouvante !!!

 Plus nos sœurs, d’un pas lent, s’avançant dans la sinistre enceinte et plus le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux leur paraissait horrible et la tâche entreprise bien au-dessus des forces humaines! 

 

Loin de la verte Erin

Le peuple Irlandais a été accueilli les bras ouverts par les Canadiens dont beaucoup sont morts en les soignant. Près de mille orphelins ont été adoptés dans des familles québécoises. Les deux peuples partageaient la même foi, le même combat contre le même conquérant qui nous était tout aussi hostile. Ils sont devenus nos frères.
    Se livrant à un véritable continent sauvage auquel rien ne pouvait les préparer, ces courageux nouveaux-venus n'allaient pas transmettre intégralement leur héritage identitaire européen à leur progéniture, mais plutôt en faire des enfants d’Amérique.
     Voici un beau poème écrit par un prêtre :

Loin de la verte Erin 

  Loin de la verte Erin vous chassait l'ouragan.
  La mort, comme un requin caché sous l'océan, 
  Surgit du sein des flots : souvenir qui vous navre,
  Vous avez à la mer vu jeter leur cadavre ;
  Avant de mettre pied en pleurant sur ces bords,
  Vous avez à la mer laissé vos parents morts. 

   Deux tyrans sans pitié ― la mort et l'Angleterre ―, 
   Vous volaient, l'un vos toits, et l'autre votre mère ! 
   Mais sous notre beau ciel on vous tendit les bras :
   Irlandais, Canadiens, ― mon Dieu, n'étions-nous pas
   De vieux lutteurs meurtris par les mêmes souffrances ? 
   Étrangers par le sang, frères par les croyances ?

 Irlandais, honte à vous si l'hospitalité 
   Cesse d'être à vos yeux un titre respecté.
   Honte à nous, Canadiens, si notre cœur oublie
   Que l'Irlandais souvent vient ici l'âme aigrie.
   Car, en face, voyez notre ennemi commun ; 
   Soyons digne au moins : pour cela, soyons un !
   Ayons assez d'orgueil et d'honneur pour nous dire : 
   Si l'ennemi nous hait, du moins il ne peut rire ! 
   Et puis, qu'adviendrait-il de nos rivalités  

   Laides, contre nature ? Ah ! mes yeux attristés,
   Sur un fleuve de sang, sur un torrent qui passe
   Contemplent les débris de l'une et l'autre race !
   Donc, la main dans la main, Canadiens, Irlandais : 
   Anathème à celui qui troublerait la paix !

                                      Apollinaire Gingras (1881)

Tiré de : M. l'abbé Apollinaire Gingras, Au foyer de mon presbytère, Québec, Imprimerie A. Côté et Cie, 1881, p. 205-208. Le titre original est « Sur la tombe de Monsignor Cazeau, protecteur des orphelins d'Irlande ».

 

LE PRIX DE LA LIBERTÉ
(2e partie) :

37- L’éprouvant périple
38- Le fléau
39- L’épidémie du typhus
40- Loin de la verte Erin
41- À bord du bateau
42- Un amour naissant
43 Le banc des amoureux
44- Le dilemme
45- La tempête
46 – Dans un tourbillon
47 – Terre… Terre…!
48- Le Grand Fleuve
49 – La Grosse Ile
50 – Enfin à terre
51 – Équipe médicale
52- Maureen Murray
53 – Fin de quarantaine
54- Vie de citadin
55 – Rue Petit-Champlain
56 – Le marché Findlay
57- Chantiers naval
58- L’entrevue avec George Stuart
59- Thomas au développement de la ville
60- Jour de fête
61- Joseph Signay
62- Le squatteur
63- Devenir son maître
64- La chasse aux canards 
65- Les jours passent
66- C’est la fête
67- Fiançailles
68- Octroi de terres
69- Les lots
70- Dindons sauvages
71- Qui est le père Damase ? 
72- Chavigny
73- Peau de loup
74- Chavigny en traîneau
75- L’enfant nait
76- Quai de Portneuf
77- La maison
78 - La chute à Gorry
79- Maureen et Daniel (1)
80- Maureen et Daniel (2)
81- Maureen et Daniel (3)
82- Wendake
83- Quimmik
84- La petite maison
85- Les loups

(début de l’histoire)

Flech cyrarr

A suivre :

À bord du bateau

Date de dernière mise à jour : 21/08/2024

Questions / Réponses

Aucune question. Soyez le premier à poser une question.
2 votes. Moyenne 5 sur 5.

Ajouter un commentaire