La petite maison

 

Wendake

     Il y avait maintenant plus de trois ans que Gaélen œuvrait au chantier naval de monsieur Gingras. Jamais encore il n’avait assisté, avec ses coéquipiers, au baptême et à la mise à l’eau des bateaux dont la construction était achevée et prêts à naviguer. Or, ce matin de mi-septembre, marque un moment historique et émouvant alors qu’un magnifique bateau tout neuf, nommé L’Aventurier est fin prêt à glisser doucement le long du ber et flotter dans les eaux du fleuve.
     Gaélen, tous ses coéquipiers, artisans, ingénieurs, ont travaillé sans relâche pendant des mois à la construction de ce navire en bois utilisant les techniques les plus avancées de l’époque. Entourés d’une foule de curieux et de dignitaires, ils se sont rassemblé pour assister à l’évènement. Les drapeaux flottent au vent alors qu’une fanfare joue l’air du « Il était un petit navire ».
     Le capitaine, vêtu de son uniforme impeccable, se tient fièrement à la proue. L’épouse du premier ministre du Québec, Denis Benjamin Viger, brisa une bouteille de champagne contre la coque du navire, une vieille tradition qui apportera chance à l’équipage et au bateau. Lentement les cordages sont lâchés et L’Aventurier glisse dans l’eau où il déploie majestueusement ses voiles blanches. Les spectateurs applaudirent et acclamèrent tandis que le navire entreprend son voyage inaugural, prêt à affronter les mers et découvrir de nouveaux horizons.
     La cérémonie terminée, tous les employés furent convoqués à une réunion dans le grand atelier. Là on leur apprit que le chantier sera fermé pour les trois prochaines semaines; que quelques employés seulement seront affectés au ménage des lieux et à la préparation de la mise en chantier d’un nouveau voilier, un quatre mats, plus grand, plus performant et plus luxueux, pouvant héberger plus de mille deux-cent passagers.
     En sa qualité de chef de chantier, le père Damase fut mis au courant une bonne semaine avant ce licenciement temporaire. Il en avait profité pour prendre des dispositions afin de donner à Gaélen des moyens pour faciliter la nouvelle vie qu’il s’apprêtait à vivre à Chavigny. Vivre en pleine forêt, isolé, inexpérimenté lui paraissait insensé. Il s’était mis dans la tête de lui donner une formation de base, aussi complète que possible, et pour cela il avait choisi le meilleur coach qu’il connaissait : Jack, son beau-frère le Huron. Aussi l’entraîna-t-il à part pour lui exposer son projet.
- Asseyons-nous ici, si tu le veux bien, j’ai quelque chose d’important à te proposer. Le grand-père de ma femme est décédé au village des Hurons il y a une dizaine de jours. Aux obsèques, j’ai parlé de toi à Jack, mon beau-frère, comme je le faisais souvent. Je lui parlais de ton projet de t’établir sur une terre, en pleine forêt, de ton peu d’expérience de ce milieu. Tout-à-coup, il a émis le désir de te rencontrer, toi et ta femme, qu’il avait quelque chose pour toi, un cadeau. Si vous êtes d’accord, vous passeriez les trois prochaines semaines de congé en expédition avec lui et son père dans leur territoire de chasse. Ce ne sera certainement pas une sinécure, mais vous allez apprendre des tas de choses utiles qui vont vous aider à vivre en forêt.
- Allez-vous être de la partie ?
- Nous serons, Cath et moi, avec vous les trois premiers jours. Je dois être sur place pour superviser la mise en chantier du nouveau bateau.
- Ça me plairait beaucoup de vivre cette aventure et connaissant Ophélia, je ne doute pas qu’elle voudra, elle aussi, y participer. Je vous donnerai une réponse dès ce soir.

     L’affaire fut vite décidée et dès le lendemain le petit groupe se dirigea vers le village des Hurons. Lorsqu’ils pénétrèrent dans l’enceinte de Wendake, ils furent accueillis par une bonne odeur de feu, comme ceux qu’on allume les jours de fête. Une délicieuse odeur d’herbes et de feuilles mortes leur monta aux narines et au cœur. Ça sentait la douceur, quelque chose qui n’appartient qu’à ce pays. Des bouffées de terre chaude, de pierre, de viandes grillées les assaillirent, dévastèrent leur cœur. Un monde nouveau s’ouvrit à leurs yeux. Gaélen et Ophélia comprirent que ce pays se compose de deux mondes bien distincts : celui des Blancs, rigoureux, austère, où règne une concurrence extrême et celui des autochtones, libre, plein d’insouciance, de calme. Ils comprirent également qu’ils ont grandi dans un monde immobile où les quatre saisons décidaient de l’ordre des choses. Un univers inquiétant où le salut dépendait d’un travail, parfois pénible, qui les tenait prisonnier sans cesse.
     Ophélia rencontra Catherine l’épouse de Damase pour la première fois. Elle portait une jupe ample à motifs fleuris et une chemise à gros carreaux. Elle avait noué un foulard autour de son cou. Ses cheveux enroulés de chaque côté de la tête formaient des toques imposantes sur lesquelles elle avait enfoncé un bonnet de feutre noir et rouge vif, décoré de perles de verre. Ce fut Catherine qui présenta les irlandais à son frère Jack qui mit sa main ouverte sur son cœur avant de saisir cette que Gaélen lui tendait. Il fit de même avec Ophélia, se disant heureux de rencontrer des gens dont il avait si souvent entendu parler en bien. Puis il étendit les bras, saisit ses invités par les épaules en les entraînant vers une tente où devant l’entrée, un homme assis à même le sol, les genoux repliés, fumait la pipe, deux chiens se prélassaient à ses pieds.
- Malik, mon père, le présenta-t-il. Il sera de notre expédition avec Sarah, ma femme.

     Il avait prononcé le nom de son père en traînant sur le « a », comme si la lettre était double.  C’était un homme de petite taille, sans une once de graisse, au visage usé, ovale, aux pommettes saillantes, aux mains noueuses. Ses yeux bridés, comme des fentes rapprochées, lui conféraient un regard qui avait gardé toute sa brillance malgré son âge. Sa longue chevelure noire, brillante, n’était striée que de quelques fils argentés.
     Il se leva, souriant, tout en souplesse, salua les nouveaux venus en leur adressant mille vœux de bienvenue. Jack prit les mains d’Ophélia et de Gaélen :
- Suivez-moi, nous vous avons préparé la tente de mon grand-père et sur le conseil de Dam, nous avons pensé vous offrir, en cadeau, certains objets qui lui appartenaient et qui vous seront plus utiles qu’à lui, maintenant qu’il n’est plus.

 

Quimmik

     À l’intérieur de la tente du grand-père de Jack, un épais tapis de sapin frais recouvrait le sol. Ce n’était pas grand, mais l’odeur épicée du conifère rendait l’ensemble accueillant, cent fois plus que la cabine du Jane Black. Sur ce tapis, on avait déposé toutes sortes d’objets : trois paires de raquettes à neige indiennes, tressées de babiche[1], des mocassins en peau d’orignal doublés de mouton, deux poignards, un fusil à double canon et une carabine Winchester avec une boîte de cartouches entamée. Mais ce qui surpris surtout le couple d’Irlandais, c’était cette cage au milieu de la tente où se trémoussait un magnifique chien de traîneau dont on sentait sa hâte d’être libéré.
     Un beau chien robuste, vigoureux, les muscles saillants sous son épaisse fourrure. Une tête massive avec à la fois un regard calme et vif. Son pelage était fauve, sauf le poitrail, le bout des pattes et le museau, qui étaient d’un blanc immaculé. Gaélen s’agenouilla devant la cage, fit sentir sa main que la bête lécha avec entrain, sa queue fouettant l’air. Il piétinait sur place, le corps pris de convulsions tant il était content. Sentait-il en Gaélen la présence de son nouveau maître ? Les sens en affût, il lâcha un petit jappement aigu.
- Ce chien est à toi maintenant, Gaélen. Son comportement me dit qu’il te fait confiance, il t’a adopté, prends en soin. C’est un malamute, il a trois ans, encore un peu jeune et fou, mais il te fera un bon chien.
-  Faudra lui trouver un nom, intervint le père Damase.
- Dans la langue Innue, le mot « Quimmik » veut dire « chien », mais aussi « puissance, courage, fidélité » les plus belles qualités des chiens, renchérit Jack.
- Quel superbe chien ! Je ne sais comment vous remercier, vous décrire mon émerveillement devant ce chien qui semble vraiment posséder toutes ces qualités. Je l’appellerai donc Quimmik.
     Des larmes lui vint au yeux, tant l’émotion était forte. Il venait de comprendre que même les gens pauvres ont quelque chose à donner et l’envie de le donner. Il apprit à aimer ces gens qui possèdent peu mais qui ont le cœur sur la main. Lorsqu’il ouvrit la cage, le chien se jeta sur lui, le léchant avec tant de vigueur qu’il en perdit l’équilibre. Il se retrouva sur le dos avec le poids de l’animal sur la poitrine, ce qui déclencha un fou rire général. Ophélia vint à son secours, prit le chien par le cou et l’attira à elle :
-  Viens, Quimmik, viens dehors.
     À l’extérieur, le vent joua, gonfla son pelage blanc, gris et noir. Le soleil faisait briller ses reflets roux quand il se roulait dans le sable. Ses grosses pattes tambourinaient le sol, déployant ses muscles, soulevant des traînées de sable dans son sillage. Ça l’amusait. Il sautait autour d’Ophélia, cherchant à mordiller sa manche pour l’emmener dans son jeu. Ses contorsions la faisaient vaciller, perdre l’équilibre, elle voudrait qu’il se calme, mais elle riait aux éclats. Content de l’avoir emporté dans sa farandole, il se roulait par terre, se relevait, se secouait. Il crachait, sa langue était couverte de ce sable blond. Elle voudrait le gronder, mais elle comprenait son plaisir.
- Allez, viens ici mon grand !     Quimmik s’ébroua dans un nuage de poussière avant de la rejoindre enfin calmé. Il s'assit bien droit à côté de sa nouvelle maîtresse et lâcha un autre jappement aigu à l’intention de Gaélen qu’il fixait la queue frétillante.
- C’est l’heure, maintenant, de commencer votre entraînement, annonça Jack. Nous allons au champ de tir s’exercer aux armes à feu. À Gaélen le fusil, à Ophélia la carabine.
     Au champ de tir, c’est l’Innu qui avait pris en charge l’entraînement d’Ophélia, tandis que Damase s’occupait de Gaélen et son fusil à double canon.
- Retiens ton souffle, conseilla Jack à Ophélia, prends ton arme, appuie solidement la crosse sur ton épaule, l’œil sur le viseur, tout cela en retenant toujours ta respiration. Une seconde d’immobilité au moment où tu vas appuyer sur la détente… puis ce sera la détonation, comme un coup de tonnerre. Je vais te répéter cette phrase pour les trois ou quatre premiers tirs de façon à ce que tu sois bien imprégnée de cette procédure.
     Il prit la Winchester, lui montra comment la charger, enlever le cran de sûreté, de viser et tirer. Sous ses conseils, elle s’est entraînée à tirer sur les cibles du champ de tir. Au bout d’une heure, Ophélia a commencé à se sentir plus à l’aise avec l’arme.
- Bravo, Ophé, tu as l’œil. Tu es prête pour le test final. Prépare-toi et concentre-toi sur cette petite cible.
     Elle rechargea la carabine, visa la pierre qu’il venait de déposer sur un rocher et tira. La pierre a volé en éclat et elle a hurlé de joie. Gaélen, présent depuis le début de l’exercice, avait un brin de fierté dans le regard. Puis, la prenant par les épaules il eut un petit sourire amusé :
- Ophé… Tiens, tiens… Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant. J’ai bien envie de t’appeler ainsi, ça te va bien, d’autant que ça fait plus décontracté. Tu m’impressionne, Ophé, je te savais talentueuse et de plus tu apprends très vite. Je sens que nous allons faire une équipe du tonnerre.
     Les Hurons-Wendats appartiennent à la famille linguistique iroquoise. À cette époque, ils étaient plus nomades qu’ils ne le sont de nos jours, et se déplaçaient souvent, vivant en petits groupes familiaux plutôt qu’en clans permanents. Ces structures renforcent les liens familiaux et communautaires, et jouent souvent un rôle crucial dans la transmission des traditions et des connaissances culturelles. Ces petits clans familiaux occupaient souvent des territoires spécifiques qui leur étaient attribués et qu’ils utilisaient pour la chasse, la pêche, et l’agriculture.
     Au décès du grand-père de Jack, Malik est aussitôt devenu le chef du clan familial, mais veuf depuis plusieurs années, c’est à son fils aîné Jack, plus jeune, plus actif, qu’il a confié cette tâche, mais il gardera tout au long de sa vie le titre de sage. Le sage souvent appelé aîné ou ancien, joue un rôle crucial : c’est le gardien du savoir traditionnel et des histoires de son peuple, son expérience et sa sagesse sont très respectées. Il joue souvent le rôle de médiateur dans les conflits, aidant à résoudre les différends de manière pacifique et respectueuse.
     Au repas du soir, Jack a réuni la famille devant la tente de Malik, autour d’un feu de camp d’ont l’âcre fumée dessinait ses minces volutes bleutées au-dessus des tipis recouvert de toiles écrues et de peaux.  Sarah y avait installé un trépied fait de jeunes troncs d’arbres d’où était suspendu au bout d’une corde un castor mis à cuire à quelques centimètres du feu, entretenu entre quelques pierres rondes disposées en cercle. Ce castor, rôti à la braise, d’un brun doré et fondant en bouche, était parfumé d’herbes odorantes et de fleurs, soigneusement choisies en forêt, dans lesquelles il avait macéré lentement, additionné de miel. Cette corde torsionnée faisait tourner comme une toupie la pièce de viande dans un sens puis, après un certain temps, la torsion en venait au point neutre, mais le poids de l’animal suspendu entraînait une rotation inverse de la corde jusqu’à ce que cette nouvelle torsion soit plus forte que le poids qu’elle entraîne et le fasse tourner dans l’autre sens et ainsi de suite. De temps à autre, lorsque la rotation diminuait, Sarah lui redonnait un petit élan avec ses doigts jusqu’à ce que la viande soit prête.
     Chaque culture possède ses rites. Qu’importe la couleur de leur peau ou de leur origine, manger offre aux humains une occasion de rassemblement et de partage.

     Sarah, était une innue de 49 ans qui incarnait la sagesse et la résilience de son peuple. Son abondante chevelure noire comme du jais, parsemée de quelques mèches argentées, lui tombait en cascade sur les épaules et portait de grandes boucles d’oreille aux motifs traditionnels de son peuple qu’elle avait fabriquées elle-même avec de petites perles multicolores. Le teint cuivré, ses yeux bridés, d’un brun profond, reflétaient les histoires et les traditions transmises de génération en génération. Elle portait des vêtements traditionnels faits de douces et souples peau de daim, brodés de motifs symboliques agrémentés de petites perles de verre multicolores, rappelant son attachement à ses racines.
     Chaque matin, elle se levait à l’aube pour saluer le soleil levant, une pratique spirituelle qui lui apportait paix et énergie. Elle passait ses journées à tisser des paniers et à créer des bijoux artisanaux, perpétuant ainsi les techniques ancestrales. Sarah aimait aussi enseigner aux jeunes de sa communauté, leur transmettant les légendes et les savoir-faire traditionnels. Elle cultivait un petit jardin où elle faisait pousser des plantes médicinales et des légumes, qu’elle utilisait pour préparer des remèdes naturels et des repas sains pour sa famille. Malgré les défis de la vie, elle gardait un sourire chaleureux et une détermination inébranlable à préserver et partager la culture de ses ancêtres.
     Au lever du jour, les cinq membres de l’expédition étaient réunis devant la tente de Jack. La veille il avait donné ses instructions concernant le matériel que chacun devait emporter dans un sac à dos. « Le strict nécessaire » avait-il ordonné. Il ne fallait pas se charger de superflu parce qu’il allait y avoir de nombreux portages : une couverture, un gobelet et une écuelle en métal léger, un poignard, fusil et cartouches et quelques vêtements de rechange. Deux chiens seraient du voyage : celui de Malik et Quimmik.

[1] La babiche : sorte de lanière de cuir fabriquée à partir de nerfs ou de tendons d’animaux, comme le wapiti ou le cerf. Traditionnellement utilisée par les peuples autochtones, elle sert à tresser divers objets tels que des raquettes à neige, des filets de pêche et des cordes d’arc.

 

84- La grande aventure.

     Wendake, le village des Hurons-Wendats, est situé le long de la rivière Saint-Charles, une rivière tumultueuse, qui, après une succession de rapides et de petites cascades, s’engouffre dans la chute Kabir Kouba avec grands fracas. Le périple débutait donc par un portage de deux kilomètres, le temps d’atteindre un endroit navigable. Ophé avait pris place dans le premier canot entre Jack et Sarah, alors que Galen était posté à l’avant de celui de Malik, les deux chiens et le gros du bagage au centre de l’embarcation. Ils glissaient en silence sur la surface lisse Ils s’apprêtaient à plonger dans un monde dont ils ne savaient que ce qu’on leur avait dit.
      Les minces pagaies des Innus plongeaient, émergeaient et replongeaient sans cesse dans un doux chuchotement. Elles fendaient l’eau, glissaient sans heurt, sans éclaboussure, rythmant le temps. Le temps, en lents battements de rames, en lents battements de cœur. Des gestes que Gaélen s’efforçait de reproduire. Chaque coup de rame les éloignait du village et plus ils montaient, plus l’excitation gagnait les Irlandais, émerveillés par l’extraordinaire habileté des Innus à manœuvrer leurs frêles embarcations à travers les rochers et les remous. Parfois, entraîné par des rapides, le canot fendait les vagues qui se brisaient sur l’écorce, éclaboussant les visages. Le vent faisait danser les cheveux. Le décor était magnifique : un large ruban d’eau bordé de collines noyées dans la végétation et le ciel baignant dans la lumière. 
     La rivière serpentait de chaque côté de falaises et scintillait légèrement au soleil. De temps en temps, un souffle de vent effleurait la surface de l’eau et l’agitait provoquant de petites vagues dans son cours sinueux. Ils ont remonté ce cours d’eau impétueux qui coure entre des rochers saillants pour déboucher sur un long lac encerclé de montagnes habillés de conifères où souffle le vent. Ils ont pagayé tout le jour et ne s’arrêtant que pour manger, nourrir les chiens et dormir. Au soleil déclinant, Jack dirigea les canots vers la rive et accosta dans une baie abritée du vent.
-    On va camper là-haut, a-t-il dit en indiquant une petite clairière surélevée. Demain on entre dans le bois.
     Ce premier campement avait été installé au sommet d’une petite colline surplombant le lac. Les tentes, montées un peu à l’écart les unes des autres formaient comme un petit hameau avec, en son centre, un foyer fait de pierres disposées en rond. Lors de la mise en place du campement, Gaélen voulait aider Jack et Malik du mieux qu’il pouvait en les mitraillant de questions, mais les Innus se contentaient de sourire. Rapidement Gaélen comprit que pour apprendre il fallait regarder et écouter. Il servait à rien de demander, il fallait comprendre et reproduire. Il évoluait dans un monde plongé dans une griserie qu’il n’avait jamais éprouvée. Pour s’aventurer et survivre dans les profondeurs de l’arrière-pays, il fallait soi-même avoir été ensauvagé. Il fallait avoir appris les voies de l’Autochtone, ses habiletés techniques, son savoir de la faune et de la flore, de même que sa capacité à s’orienter dans ces espaces sans frontières.
     La soirée était d’une douceur inhabituelle on entendait le coassement des grenouilles, saoules de cette nuit limpide. Les voix se faisaient plus lentes, plus profondes, plus sérieuses, comme pour s’harmoniser avec la noirceur environnante qui s’épaississait lentement. Tous ensemble, installés à croupetons, le plus confortablement possible autour du feu, ont mangé avec les doigts le repas que Sarah avait préparé. Elle demanda à Ophélia comment s’était passé cette première journée de voyage loin de toute civilisation. Ophé a essayé du mieux qu’elle put d’expliquer le sentiment de liberté qui l’emplissait depuis qu’ils ont mis les canots à l’eau. Sarah à vue le bonheur sur son visage et dans le regard de Gaélen. La chaleur amicale que les Innus leur témoignait apaisait leur crainte d’étrangers dans ce clan tissé serré. Cette franche camaraderie montrait l’ouverture d’esprit de ce peuple qu’on disait sauvage.
-    Par moment les remous de la rivière me faisaient peur, m’effrayaient même…
-    Il faut craindre la puissance de la rivière et la respecter, expliqua Malik. La peur tétanise, la crainte incite à la sagesse, c’est une bonne chose d’en tenir compte. Vous venez de mondes opposés, mais je sens en vous le même désir de liberté qui anime le cœur des Autochtones. Dorénavant, vos existences en seront marquées, chacun à votre manière.
     Malik a commencer à raconter sa jeunesse et l’histoire de son peuple que Gaélen et Ophé ont écouté avec fébrilité. Il entrecoupait ses récits de moments de silence, comme s’il plongeait chaque fois plus au fond de ses souvenirs. Il tirait une longue bouffée de sa pipe, puis reprenait son histoire. Quelques mots d’Innu leur échappaient parfois, mais Ophé contemplait, les yeux écarquillés, le conteur qui accompagnait sont histoire de mimiques et de bruits si évocateurs qu’on aurait cru la voir se dérouler réellement.
     Rappelons que dans le monde des nations autochtones, tout est « Esprit ». Il y a l’esprit des arbres, du feu, du vent, de la pluie, de la Forêt Enchantée, et quelques centaines d’autres. Les « Esprits » sont partout, puissants et agissants. Ils jouent un rôle central dans la spiritualité et la culture des peuples autochtones. L'animisme, croyance commune parmi les Autochtones, soutient que chaque personne, plante, animal et objet est habité par un esprit. Les esprits sont donc profondément intégrés dans la vie des Autochtones, influençant leur   vision du monde, leurs pratiques culturelles et leur relation avec la nature
     Aussi, tous les soirs, autour du feu de camp, lorsque la météo le permettait, Malik racontait les légendes de son peuple. Ces récits, transmis de bouche à oreille et de génération en génération, relatent l’histoire du territoire et de tous les êtres mythiques ou réels qui y vivent. Ces légendes, comme beaucoup d’autres dans la culture innue, sont riches en enseignements et en symbolismes. Elles sont souvent racontées pour transmettre des valeurs et des leçons de vie aux jeunes générations: Tshakapesh  l’immortel, Aiashess , Kwekuatsheu  et de plusieurs autres tel le carcajou , ce diable des forêts.
     À la fin de la soirée, avant que chacun se retire dans sa tente, Malik prenait le tambour et rythmait sa mélopée à laquelle Jack et Sarah mêlaient leur voix. Considérée comme sacrées, les vibrations du tambour permettent de communiquer avec le Grand Esprit, comme une prière, le remerciant de cette journée d’amitié, de chasser les mauvais esprits et de répandre sa grâce sur le campement pour la nuit à venir.

 

La petite maison

     Quand Ophélia et Gaélen descendirent le lendemain matin, le traîneau était prêt et chargé. Les premières lueurs de l’aube teintaient le ciel à l’Est d’une nuance mauve et dans cette fin de nuit sans lune, où pas un souffle de vent n’agitait les branches dénudées, l’air glacial picotait le visage et engourdissait immédiatement les doigts. Gaélen installa sa femme habillée en garçon dans une grande couverture de fourrure, rangea les fusils, siffla Quimik et lui indiqua sa place sur les bagages recouverts d’une bâche et alla s’asseoir à côté d’Ophélia. Il fit un petit signe de tête aux domestiques de l’auberge venus l’aider et qui lui conseillaient la prudence et leva les rênes.
     Les grelots du traîneau se mirent à tinter quand les chevaux tournèrent dans l’allée. Pour Ophélia, chaudement emmitoufle dans son manteau de fourrure, ce second voyage en hiver était tout aussi féérique que le premier. Autour d’eux tout était immobile et silencieux et le paysage comme figé, attendant le miracle du printemps pour le tirer de son enchantement. Elle se serra contre son mari. Elle ne trouvait pas de mots pour exprimer son bonheur et son amour pour lui.
     Cette route qui remontait vers le Nord, il la connaissait bien maintenant. Le trajet jusqu’à son lot lui parut plus court. Le soleil se levait lorsqu’ils aperçurent un bâtiment en rondins, tout en longueur, dont le toit incliné à l’arrière convenait parfaitement pour abriter les chevaux et à quelques mètres de là, une petite maison isolée, bâtie en rondins, elle aussi, par les employés de Joseph Ford, selon les spécifications de Gaélen l’automne dernier.
     Quimik partit visiter les environs tandis que Gaélen et Ophélia entraient dans la maison. L’intérieur, même peu meublé, dégageait une agréable ambiance. Il y avait une table, quelques chaises, un bahut, une armoire aux portes vitrées au-dessus d’un long comptoir où on avait installé un évier émaillé blanc ainsi qu’une pompe manuelle. Au centre de la pièce trônait un poêle à bois vertical en fonte dont la porte frontale était munie de neuf carrés de mica qui permettaient de voir et de profiter de la lumière du feu. Les menuisiers avaient construit une petite chambre, délimitée par une cloison de planches vernies. Un grand lit, prêt à être utilisé, une armoire à glace et, sous la fenêtre, un guéridon et deux petits fauteuils de velours bleu complétaient l’ameublement.
     Un coffre était rempli de bûches et de petit bois. Les mains engourdies par le froid, Gaélen craqua une allumette et bientôt des flammes brillantes, jaunes et oranges se mirent à lécher avec avidité les bûches qu’il y avait entassées sur le petit bois incandescent. Ophélia essaya de se réchauffer les mains en grimaçant, les doigts picotés de mille aiguilles. Gaélen ressortit pour aller mettre les chevaux à l’abri. Il revint avec leur énorme panier de provisions et le chien sur ses talons. Somme toute, leur situation était très confortable.
     Il y avait un petit tas de fourrage qui irait s’ajouter au sac de grains qu’ils avaient transporté à l’arrière du traîneau. Ils avaient à portée de la main une bonne provision de bûches et une hache pour en obtenir davantage si cela devenait nécessaire. Ils avaient des vivres pour plusieurs jours, un fusil et une carabine pour s’en procurer d’autres. Il ne leur restait  plus qu’à s’installer agréablement et se préparer à entreprendre les travaux qu’ils s’étaient proposé de faire. Il suffisait de voir les yeux rieurs d’Ophélia pour comprendre qu’il n'y avait pas matière à s’inquiéter. Malgré l’isolement du lieu, l’hiver et ses rigueurs à subir, la petite maison, chaude et solide, devint un monde en soi.
- Je dois rencontrer monsieur Ford cet après-midi, nous aurions le temps de tester notre habileté à la pêche blanche. Viens, on va pêcher !

     La neige étincelait sous les rayons du soleil, dont la douceur faisait oublier la morsure du vent. Ils sont descendu à la rivière jusqu’à une petite baie protégée par des épinettes faisant un arc de verdure. Ophélia aidait son mari à percer la glace. Il creusait avec un pic et elle nettoyait le trou avec une petite pelle à mesure qu’il se formait. Une fois le trou assez grand, il mit un appât sur l’hameçon et l’a laissé descendre le courant en donnant, de temps en temps, de légers coups sur la corde pour simuler le mouvement d’un insecte.
     Quelques instants plus tard, la corde s’est tendue et Gaélen l’a senti vibrer. Une belle truite grise avait mordu et les amoureux ont ri tous les deux en voyant la bête émerger tant elle était de bonne taille. Après avoir détaché le poisson, Gaélen tendit la corde à sa femme.
- À toi maintenant. Puisque nous avons décidé de nous établir en campagne, mieux vaut s’adapter à ce nouvel environnement dès maintenant.

     Elle était toute excitée comme le sont les chasseurs et les pêcheurs quand les prises sont bonnes. En moins d’une heure elle avait attrapé trois autres truites. Cette baie deviendra leur endroit favori où pêcher parce que le poisson y abonde.
- On forme une belle équipe, lui dit-il les yeux vifs.

     Il a appelé Quimmik, a caressé l’épaisse fourrure de l’animal et lui a donné la tête des poissons qu’il avait coupée. La voracité de ces chiens est toujours impressionnante surtout lorsqu’il s’agit de viande ou de poisson. Ophélia se disait, voyant l’intérêt que montrait Gaélen pour son chien, qu’une personne capable de montrer autant de tendresse envers un animal n’en manquera jamais à l’égard des humains.
     Après le dîner, Gaélen sella la jument et se rendit à la scierie commander les six bûcherons dont il allait avoir besoin le lendemain matin et remettre à monsieur Ford l’argent qu’il lui devait pour les travaux de construction déjà effectués. Les colons de l’époque avaient tous en poche de l’argent qui venait de leur être versé par le ministère de l’Agriculture à titre de soutien aux défricheurs. Gaélen disposait d’une somme économisée sur ses salaires en plus d’un confortable don offert par Thomas pour la construction de leur future maison.
     À son retour à la maison, Ophé soulevait le couvercle d’une marmite de fonte d’où montait une buée qui fleure bon la truite parfumée d’herbes sauvages. La bonne chaleur de la pièce chargée de l’odeur de daubé lui fait venir la salive à la bouche. Il fit un pas vers la cuisinière et souleva à son tour le couvercle de la marmite. Son œil pétilla de gourmandise et en respira à fond la buée.
     Elle retira la marmite, la déposa au centre de la table avec un plat de terre vernissée où étaient alignées de belles caillettes dans leurs coiffes de graisse blanche, puis ajouta un rondin d’érable dans le foyer. Gaélen s’est mis à manger avec appétit la soupe où un gros morceau de lard à cuit avec des légumes. Ophélia y coupa du pain en petits cubes et ajouta de l’ail et de l’oignon haché. Son visage s’illumina, il se leva de sa chaise et alla lui passer les bras autour du cou tandis qu’il la serrait contre lui.
- J’essaierai de ne pas être un fardeau pour toi, lui dit-elle. Mais loin de toi, je passerai mon temps à me ronger d’inquiétude.
- Je dois avouer que t’avoir toute à moi au beau milieu de ce désert n’est pas pour me déplaire, répondit-il en souriant.
     Il lui caressa doucement les lèvres du bout de sa langue et l’attira contre lui donnant à sentir la ferme pression de sa virilité. Elle se mit à répondre avec ardeur à ses baisers. Ils firent l’amour enveloppés dans des fourrures à même le plancher devant le feu. Après quoi, enlacés, jambes et souffles mêlés, ils restèrent langoureusement étendus à échanger de tendres baisers.

 

Les loups

     Il devait être environ deux heures du matin lorsque tout d’un coup, dans le silence des lointains espaces qui s’étendaient autour de la maison, un son triste et lugubre ramena Gaélen à sa tension d’esprit, à la réalité du moment. À demi-éveillé par un vague sentiment d’insécurité, il passa dans la grande pièce doucement éclairée par la lune pour regarder par la fenêtre.
     Tout était calme et l’on entendait le vent gémir dans les sapins. Quimmik rôdait dans la pièce, s’arrêtant de temps en temps pour aller renifler sous la porte d’entrée, tout son poil hérissé sur le dos. Dans l’écurie, les chevaux s’agitaient et grattaient nerveusement la terre de leurs sabots. On entendit quelque chose, un étrange hurlement qui couvrait celui du vent. Le chien s’immobilisa en grondant, prêt à bondir, tandis qu’au dehors un cheval effrayé se mettait à hennir.
     La neige que rien ne protégeait du clair de lune, étincelait dans une incandescence aveuglante. Au début il ne put fixer son regard et n’aperçut rien. Mais une minute plus tard, il entendit nettement un hurlement plaintif, viscéral, affaibli par la distance, et il remarqua alors, au bout de la clairière, quatre ombres allongées, petites comme de simples traits noirs.
     Ophélia se réveilla quand elle sentit que Gaélen n’était plus à côté d’elle. Sans bouger, elle le regarda enfiler un pantalon de cuit et une chemise de laine qu’il ne prit même pas le temps de boutonner. Il retira le fusil de son étui, vérifia s’il était chargé. Il s’aperçut alors qu’elle l’observait.
- Probablement des loups, répondit-il à sa question muette tout en allumant une lanterne. Les chevaux sont inquiets.
     Elle s’enveloppa rapidement dans les couvertures tandis que Gaélen allumait un fanal, ouvrit la porte tout en retenant le chien, et jeta un coup d’œil dehors. Dès qu’elles aperçurent la lumière, la demi-douzaine de silhouettes grises qui s’étaient rassemblées près de l’écurie se mirent à reculer. Mais les loups, qu’on pouvait voir grâce à leurs yeux qui luisaient dans l’obscurité, n’allèrent pas plus loin que l’orée des sapins où ils restèrent tapis et menaçants.
     Les loups se tenaient l’un à côté de l’autre, la gueule dirigée vers la maison et, tendant le cou, ils hurlaient à la lune ou aux fenêtres éclairées d’un reflet d’argent. Ils restèrent immobiles quelques instants, mais à peine Gaélen eut-il déchargé son arme dans leur direction, que, trottant comme des chiens, la queue entre les jambes, ils s’éloignèrent de la clairière comme s’ils avaient peur de cet homme armé. Les yeux disparurent et reparurent peu de temps après, moins nombreux, peut-être, mais non moins menaçants.
     Pendant que Gaélen rechargeait son arme, Quimmik passa en flèche devant lui. Ayant reconnu dans le chien un adversaire à leur hauteur, les loups se lancèrent à l’attaque avec des grognements furieux. Le chien était en train de prendre à la gorge un des assaillants quand Gaélen aperçut l’ombre d’Ophélia qui se postait près de lui armée de la winchester. Il y eut une détonation. Un loup, atteint par la décharge, culbuta tête première et alla retomber dans un congère d’où il ne bougea plus. L’action se déroulait si vite que Gaélen n’eut pas le temps ni de s’étonner de l’habileté d’Ophélia ni de la féliciter qu’il du lever son fusil et tirer sur une silhouette grise qui se glissait derrière Quimmik pour le prendre à revers. Le loup fut projeté sur son derrière et, la gueule ruisselante de sang vacilla et s’écroula dans la neige. Il y eut encore quelques coups de feu, mais, affaiblie par la perte de leurs congénères, ce qui restait de la meute s’enfuirent à toutes jambes dans la forêt. Le chien secoua une fois encore le cadavre du loup avant de le laisser tomber dédaigneusement. Après quoi il alla les renifler tous avant de revenir vers la maison avec une lenteur délibérée.
     A part une blessure au flanc et quelques morsures à la tête et aux pattes, Quimmik n’avait pas trop souffert. Ophélia se frottait l’épaule droite. Elle avait laissé tomber le fusil encore fumant de ses mains engourdies. Gaélen la prit par les épaules et la serra, toute tremblante, contre lui. Elle pleurait de soulagement mais se calma peu à peu.
     Dans l’écurie, les chevaux encore nerveux de l’odeur des loups et des détonations des armes à feu, piaffaient nerveusement. Gaélen s’y rendit et tenta de les calmer en allongeant le bras pour caresser la jument, mais trop brusquement, et l’animal, effarouché, se déroba et recula de quelques pas. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il avait affaire à un animal inquiet et nerveux. Il se reprit, lui tendant simplement la main un peu plus bas pour qu’il puisse sentir son odeur. Le cheval baissa le museau et renifla cette main encore étrangère, s’écarta lorsque Gaélen le tranquillisa de la voix, et se laissa flatter l’encolure. Le silence reprit lentement possession de la nuit.

 

LE PRIX DE LA LIBERTÉ
(2e partie) :

37- L’éprouvant périple
38- Le fléau
39- L’épidémie du typhus
40- Loin de la verte Erin
41- À bord du bateau
42- Un amour naissant
43 Le banc des amoureux
44- Le dilemme
45- La tempête
46 – Dans un tourbillon
47 – Terre… Terre…!
48- Le Grand Fleuve
49 – La Grosse Ile
50 – Enfin à terre
51 – Équipe médicale
52- Maureen Murray
53 – Fin de quarantaine
54- Vie de citadin
55 – Rue Petit-Champlain
56 – Le marché Findlay
57- Chantiers naval
58- L’entrevue avec George Stuart
59- Thomas au développement de la ville
60- Jour de fête
61- Joseph Signay
62- Le squatteur
63- Devenir son maître
64- La chasse aux canards 
65- Les jours passent
66- C’est la fête
67- Fiançailles
68- Octroi de terres
69- Les lots
70- Dindons sauvages
71- Qui est le père Damase ? 
72- Chavigny
73- Peau de loup
74- Chavigny en traîneau
75- L’enfant nait
76- Quai de Portneuf
77- La maison
78 - La chute à Gorry
79- Maureen et Daniel (1)
80- Maureen et Daniel (2)
81- Maureen et Daniel (3)
82- Wendake
83- Quimmik
84- La petite maison
85- Les loups

(début de l’histoire)

Date de dernière mise à jour : 10/01/2025

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